Au-delà de l’invisible présence : manifestations audiovisuelles du hors-champ cinématographique

DOI : 10.56078/motifs.430

Résumé

En plaçant autour du spectateur un monde organisé en images et en sons, le cinéma parlant a ouvert la voie à une multitude de possibilités audiovisuelles. Les relations entre la visualisation et l’écoute furent longtemps placées sous le signe d’une certaine verticalité, mais la bande sonore peut aussi s’émanciper de la bande imagière en exploitant les possibilités du hors-champ en tant que lieu de dynamisation sonore. Aussi, en recourant à différents extraits de films, sélectionnés en fonction du rôle essentiel qu’y joue le hors-champ, nous essaierons d’en interroger la scénographie, les valeurs esthétiques intrinsèques ainsi que les émanations audibles. En effet, dans les séquences convoquées, ledit hors-champ s’édifie exclusivement sur des traces acoustiques. Celles-ci en font ainsi une description plus ou moins approximative, jamais tout à fait précise. Ces fragments sonores peuvent être des cris, des bruits, plus rarement des trames musicales. La puissance des sons se base, à chaque fois, sur l’amplitude d’un (relatif) silence de fond. Le mutisme des personnages creuse le non-dit de la situation. Nous souhaitons démontrer que tous ces sons, qu’il s’agisse de clameurs dont la provenance n’est pas localisable ou de bruits étranges non identifiables, permettent l’édification d’un monde non-visible qui se place à proximité du champ de vision de la caméra tout en restant éternellement à l’extérieur des bordures du cadre. La dimension auditive cherche à dissimuler ses propres causes, et, ainsi, à défier la dimension visuelle. Ces rumeurs, ces échos, ces vibrations perçus stimulent l’oreille du spectateur et peuvent parfois provoquer un certain malaise. En cela, ils suscitent fascination ou frustration mais en appellent toujours à son imaginaire. Condamnés à rester exclus de l’image, tous ces sons se construisent leur propre univers qui s’avère d’une étendue sans bornes, car définitivement invisible.

Plan

Texte

Notre texte prend pour point de départ l’une des formes d’invisibilité les plus exploitées au sein de l’image cinématographique : celle du hors-champ. Propriété partagée avec la peinture, le dessin ou la photographie, le hors-champ cinématographique est d’une vastitude telle qu’il ne peut être contenu par une quelconque limite. Il reste associé au cadre dans lequel est rendue visible une parcelle de champ. De plus, comme le rappelle Jacques Aumont dans L’œil interminable, « notre vision, certes limitée dans son champ, n’est pas exactement cadrée non plus : les bords en sont flous, indistincts, mobiles1 ». Au-delà du cinéma, c’est donc toute notre existence qui se base sur le principe du hors-champ en tant que non-visibilité totale de l’univers.

Le cinéma est un lieu où s’élaborent des images rendues visibles qui ouvrent sur un hors-champ infini. Celui-ci se génère automatiquement à partir ce que la caméra capture à travers son objectif. Ainsi, dans le Dictionnaire de la pensée du cinéma, il est expliqué que le « cadre est d’abord une limite physique entre du vu et du pas vu. Il est ce qui délimite un champ, un bloc espace-temps homogène dans lequel se déroule une portion de fiction. La définition première du champ serait alors : tout ce que l’œil du spectateur perçoit. Mais en opérant un prélèvement sur un espace donné, il fige une partie de cet espace et abandonne le reste dans un ailleurs aux lois indéfinies. Car cadrer, c’est avant tout exclure2. » En effet, lorsqu’un réalisateur choisit un cadre, il sélectionne quelque chose pour l’offrir à notre regard de spectateur. Faire un film revient d’abord à discriminer ce qui va apparaître à l’image et, dans un même temps, ce qui va être escamoté. En fin de compte, un cadrage se révèle comme coupure spatiale extrêmement réduite3.

Il convient de signaler immédiatement l’existence de plusieurs types de hors-champ au cinéma. Prenons l’exemple du hors-cadre, où un objet, personnage, ou pan de décor, vus auparavant, sont placés momentanément hors du champ de vision du spectateur pour pouvoir ensuite réapparaître ultérieurement. Un autre exemple, plus large, tient à tout ce qui est lié à l’univers diégétique du film mais non soumis à notre regard. N’importe quel récit, étant limité dans le temps, a un début et une fin : ainsi, la vie antérieure d’un personnage avant qu’il n’apparaisse à l’écran, les ellipses plus ou moins longues, le devenir des protagonistes au-delà du dénouement4. Devant un film, chacun d’entre nous veut donner du sens à ce qui se tient en hors-champ pour le faire interagir avec ce que nous voyons et ce que nous savons. Mais le cinéma a ceci de particulier qu’il convoque tout autant la vue que l’ouïe5. Le hors-champ s’y joue aussi en fonction de ce que l’on entend. Si l’on s’en tient à l’aspect sonore, il y a deux exploitations possibles du hors-champ, telles que Michel Chion les a décrites dans ses essais sur le son au cinéma :

[L]e hors-champ passif dans lequel le son consiste simplement à créer une ambiance qui enveloppe l’image : un lieu stable (comme l’ensemble de la circulation d’une ville), des éléments de décor sonore (à l’instar du chant des oiseaux) sans qu’on ressente particulièrement le besoin d’en voir les sources de production.

[L]e hors-champ actif, fait de sons qui provoquent dans le plan une tension vers l’ailleurs, un appel à lui donner sa réponse ou son complément visuel que l’on imagine résider à la périphérie ou en bordure extérieure par rapport au champ. Le son du hors-champ actif entraîne aussi, au-delà de la dimension spatiale, une tension vers le futur, en faisant attendre la réponse que promet le plan suivant ou la suite du même plan. Le hors-champ actif, c’est celui où le son, ponctuel et non continuel, pose des questions et interpelle le spectateur, qui demande à en voir la source de production6.

C’est sur ce dédoublement entre hors-champ passif et actif que va se construire la suite de notre réflexion. Au départ, il s’agit de se demander dans quelle mesure l’analyse du hors-champ dépend des sons qui proviennent de l’extérieur du cadre. Aussi, en recourant à différents extraits de films, sélectionnés en fonction du rôle essentiel qu’y joue le hors-champ, nous essaierons d’en interroger la scénographie, les valeurs esthétiques intrinsèques ainsi que les émanations audibles. En effet, dans les séquences convoquées, le hors-champ s’édifie exclusivement sur des traces acoustiques. Elles en font ainsi une description plus ou moins approximative, jamais tout à fait précise. Elles en signalent surtout une particularité. Ces fragments sonores peuvent être de l’ordre de mots entendus, de bruits perçus, plus rarement de trames musicales. Un autre dénominateur commun entre ces extraits vient s’ajouter à la manipulation déterminante du hors-champ : un silence relatif y prend place et s’installe dans la durée. Ainsi, les personnages y restent taiseux, non pas par refus de la parole ou par mutisme de circonstance : leur attitude n’implique pas le recours au langage verbal ou à la communication avec autrui. Les protagonistes cherchent, inconsciemment ou non, à faire le moins de bruit possible. Dans chaque extrait sera ainsi soulignée la convergence entre le hors-champ scénique et le silence ambiant, qui se renvoient mutuellement l’un à l’autre. Nous nous soucierons de savoir en quoi le silence relatif dans les extraits étudiés devient déterminant pour amplifier la puissance du hors-champ scénique. Dans la même perspective, nous nous demanderons comment la mise en scène du son permet de faire vivre par procuration les images qui ne sont pas vues, mais aussi comment silence et hors-champ en viennent à suggérer une présence invisible par indices dont seule la nature sonore nous permet d’en supposer le contenu.

Les extraits en question ont été regroupés selon trois dynamiques enclenchées par leur hors-champ interne : l’événement non figurable, l’espace extensible et la matière indistincte. Nous resterons attentifs à la fonction dramaturgique du silence des personnages qui, en plus d’intensifier l’invisible, produit du non-dit que même les études analytiques les plus poussées ne sauraient dissiper.

Le hors-champ comme non-figuré

Fig. 1 : La féline (Jacques Tourneur, 1942)

Fig. 1 : La féline (Jacques Tourneur, 1942)

Fig. 2 : L’ennemi public (William A. Wellman, 1931)

Fig. 2 : L’ennemi public (William A. Wellman, 1931)

Dans cette première étape, il s’agit de faire état d’un événement essentiel qui a lieu en dehors du visible : moment décisif dans un film donné, il est toutefois évacué du champ pour des raisons que l’on ne peut que présumer. Prenons d’abord appui sur La féline, film fantastique dirigé par Jacques Tourneur, et sorti en 1942. Toute la mise en scène se concentre sur les effets sensibles du hors-champ, où les étrangetés et les événements surnaturels du récit sont minutieusement relégués. L’action se focalise sur Irena, jeune femme d’origine slave et atteinte d’une étrange malédiction.

Ainsi, elle se transforme en créature féline à la moindre contrariété. Un soir, elle prend en filature Alice, la collègue de son mari, ne supportant pas leur relation amicale de plus en plus complice. Les deux femmes s’avancent dans une avenue qui, à une heure avancée de la nuit, est vide de toute circulation (fig. 1). Le son de leurs pas sur le macadam, avec un subtil effet d’écho, dans un silence ambiant assez oppressant, suscite de la crainte. Le souffle du vent permet de renforcer le sentiment d’appréhension. Les claquements de leurs talons se répondent en une forme d’adversité. Au bout d’un certain temps, les pas d’Irena disparaissent de la bande sonore, tandis que ceux d’Alice continuent de résonner. Celle-ci, sentant dans son dos une présence malfaisante, prend peur et accélère la cadence. En jetant un œil par-dessus son épaule, elle ne voit qu’un buisson trembler quelques mètres plus loin. Par chance, Alice tombe sur un bus de nuit et y monte. Irena semble s’être évanouie dans la nature. Entre-temps, dans le pâturage situé à proximité, un berger découvre ses moutons éventrés. La caméra passe devant des empreintes de pas d’un félin qui se transforment ensuite en pointes de talons. Nous supposons alors qu’Irena s’est métamorphosée momentanément en féline mais qu’elle n’a pas réussi à s’en prendre à Alice. La transformation, vécue par allusion, est ainsi suggérée par un ensemble de détails visuels et sonores. Jacques Tourneur, qui ne disposait que d’un petit budget pour le tournage, devait se résoudre à contourner l’application d’effets spéciaux trop coûteux et, pour esthétiser cette absence, s’appuya sur l’efficience du son. Il travailla non seulement ses signifiants mais aussi sa diffusion dans un lieu déserté et réverbérant. Dans cette séquence de La féline, le hors-champ joue sur la frustration ressentie par le spectateur, qui ne voit jamais la créature en question. Il se configure dans un espace à la singulière identité acoustique : le silence qui y règne, peu habituel dans un paysage urbain, creuse l’étrangeté de la situation. La visibilité du décor n’est rendue que par fragments : telle un souterrain, l’avenue, partiellement éclairée par des lampadaires, partiellement plongée dans la pénombre, délimitée par des murs particulièrement élevés de chaque côté du trottoir, s’engloutit en partie dans le hors-champ. Le décor incomplètement vu devient en quelque sorte l’antichambre du non-visible.

Nous pouvons faire la comparaison avec la fameuse séquence de règlement de comptes dans L’ennemi public (1931) de William A. Wellman, film de gangsters. L’interaction entre champ et hors-champ est rendue possible par le personnage principal, Tom (joué par James Cagney) qui devient l’agent communicant entre les deux pôles. En pleine nuit, sous une pluie battante, ce personnage, exécutant sa vengeance sans un mot, entre dans des locaux appartenant à la mafia locale avec laquelle il veut en découdre. La caméra, qui ne cadre que l’enseigne de l’immeuble, ne suit pas Tom à l’intérieur des bureaux (fig. 2). Seuls des coups de feu éclatent, suivis de gémissements, sans qu’on sache qui a tiré et qui a été touché. L’événement n’est certes pas éludé puisqu’il se déroule face au spectateur. Mais le hors-champ se justifie peut-être par la volonté d’échapper aux objections des censeurs de l’époque. Par ailleurs, alors que nous sommes dans les toutes premières années de l’ère du parlant, Wellman teste l’efficacité des sons en substitution d’une imagerie qui aurait été de toute façon prévisible. Cet exemple montre qu’il y a une puissance dramatique dans le hors-champ avec laquelle rien ne peut rivaliser. De la fusillade en question, nous ne visualisons pas directement la cause. Seules les conséquences nous sont mises sous les yeux. La figuration de la situation passe par l’empreinte qu’il laisse sur le personnage : lorsque Tom regagne la ruelle, ses jambes titubent. Du sang coule le long de son front. Il chancelle à plusieurs reprises. Nous comprenons alors qu’il a été touché lors de l’échange de tirs. Le son couvre seul toute l’action paroxystique7. Il témoigne, comme le diraient Roberto Casati et Jérôme Dokic dans La philosophie du son, de la présence d’un événement :

L’aspect dynamique du monde fait ainsi son apparition dans la perception auditive. Mais il est clair que le lien entre les sons et les événements est fort étroit, et sans doute plus étroit qu’un simple lien de témoignage ; [ … ] les sons sont des événements8.

De facto, les sons ne font pas que couvrir un événement : ils « s’événementialisent ». Cela vaut d’autant plus pour L’ennemi public que pour La féline mais, dans un cas comme dans l’autre, un claquement de pas, un coup de feu et un cri témoignent d’une véritable économie interne sur le plan esthétique. Tous ces bruits se font entendre dans des lieux relativement calmes et donc propices à la dispersion acoustique9. Dans Le rôle du son dans le récit cinématographique, Antoni Gryzik regrette d’ailleurs le fait qu’on oublie trop souvent « que le son qui s’infiltre dans notre appareil auditif est porteur de deux messages équivalents : celui de la source et celui de l’espace qui le véhicule en le répercutant10. » Or, le deuxième message nous parait tout aussi essentiel que le premier puisqu’il évoque un milieu spatial ductile.

Le hors-champ comme espace extensible

Lorsque des personnages se taisent longuement, les sons du territoire dans lequel ils se situent peuvent se manifester de manière audible. Ils influencent peu à peu le spectateur afin d’aboutir à une représentation mentale de l’espace non représenté, qui gagne en aura et en intensité. Dans son essai sur l’espace cinématographique, Antoine Gaudin explique justement que « le son est un moyen de choix pour conférer une présence intensive à ce qui n’apparaît pas dans l’objectif de la caméra, mais se trouve dans le voisinage immédiat du champ filmé11 ».

Fig. 3 : Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville, 1970)

Fig. 3 : Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville, 1970)

Fig. 4 : Few of us (Sharunas Bartas, 1995)

Fig. 4 : Few of us (Sharunas Bartas, 1995)

Deux exemples différents peuvent être utilisés. Le premier est issu du Cercle rouge de Jean-Pierre Melville (1970). Alors qu’ils s’apprêtent à commettre un casse, deux cambrioleurs traversent différents immeubles afin d’accéder à une joaillerie par le toit. De façon à ne pas être vus, ils circulent très discrètement, s’évertuant à être le plus silencieux possible (fig. 3). S’élabore dans l’oreille du spectateur une cartographie d’ensemble par le biais de différents bruits captés tout au long du sinueux parcours des protagonistes. Un ronflement mécanique répétitif permet d’identifier la présence voisine de machines offset et donc, d’un service de reprographie. Un brouhaha ponctué de tintements de verre signale la tenue d’une réception mondaine dans un autre immeuble. Les deux individus franchissent ainsi plusieurs seuils et sous-espaces aux propriétés acoustiques différentes. Les ambiances ne sont descriptibles que par le biais de leur rendu sonore. Le hors-champ, assez anecdotique ici, ne semble pas à première vue véritablement actif. Il apparait plutôt comme une balise, un relais nécessaire mais non essentiel. Et pourtant, sans lui, l’environnement urbain, que Melville tente de modeler et d’étirer autour des cambrioleurs, s’effondrerait complètement : les sons émanant de ce hors-champ sont des points de repère fondamentaux. L’écoute de ces bruits engage la totalité de l’être, pour les personnages comme pour nous. Notre degré d’implication dans l’univers fictionnel dépend de sa vitalité sonore. Nous pouvons aussi constater, à la lumière de ce que dit Gaudin, que « la prise en charge d’un espace par le son peut, grâce au silence ambiant, en faire constater l’ampleur et la dimension réverbérante, inscrivant de spectaculaires dilatations y compris lorsque l’espace cadré demeure contracté12 ». Au sein du Cercle Rouge, le territoire est d’une envergure difficilement délimitable. Nous ne saurions mesurer la taille des bureaux où ronronnent les machines offset, de même que nous ne pourrions estimer le nombre d’invités présents à la soirée mondaine.

Le deuxième exemple, tiré de Few of Us (1995) du réalisateur lituanien Sharunas Bartas, est d’une nature en apparence similaire. Dans ce film, une occidentale se rend dans un village perdu au fin fond de la Sibérie, habité par une population locale en voie de disparition. Jamais la moindre parole n’est échangée entre elle et les autochtones durant tout le film. Lors d’une séquence à l’intérieur d’un chalet, la jeune femme partage une miche de pain avec un vieux chasseur vivant en ermite (fig. 4). Auparavant, en un montage alterné, le début du film observait leurs actions respectives et suggérait leur hypothétique rencontre. La caméra insiste maintenant tour à tour sur leurs visages, tandis que les personnages mangent leur pitance sans faire le moindre bruit. Du fait qu’ils ne communiquent ni par la parole, ni par le geste, ni par le regard, ils restent totalement insondables pour le spectateur et imperméables à toute lecture psychologique. Ce qui attire notre curiosité dans cet extrait tient à ce que nous entendons par-delà ce silence : une clameur plus lointaine, assez confuse, difficilement définissable et à laquelle les deux protagonistes se montrent indifférents. Nous pouvons ressentir un certain trouble car, si Bartas choisit de cadrer des personnages en situation de mutisme, il refuse systématiquement de filmer ceux qui, à quelques mètres de là, s’exclament en permanence. Un décalage sonore assez déconcertant s’installe entre ce qui apparaît inerte et figé dans le champ et ce qui existe, toujours agité et vivace, à proximité du champ. Nous savons que tout hors-champ est la promesse d’un ailleurs, autrement dit, d’une fiction. Dans Few of Us, la fiction se joue ailleurs que dans le cadre. Au sein du champ, elle est gelée, placée en état de stase. Le silence déroutant qui se dégage des lieux vus tranche avec le dynamisme des lieux non vus. Le cinéaste met en image le passif pour mieux faire attendre l’opérant. L’ailleurs y demeure perpétuellement absent. Comme l’explique Véronique Campan, en un constat général qui peut s’appliquer au cinéaste lituanien, le son filmique, conçu comme un écho, loin d’affermir nos repères spatiaux, désoriente : en tant que figure de l’entre-deux et de la marge, il révèle la disjonction première et nie la continuité entre le champ et son dehors. L’ailleurs est l’empreinte d’un lieu définitivement hors vue. Entretenu par un mouvement en direction du hors-champ, le sonore quitte le cadre et initie un processus d’investigation qui outrepasse les bornes de l’image. La construction de l’espace en est pour un temps suspendue, en butte à des questions non résolues13. En découle l’idée que le hors-champ, dont l’opacité revient systématiquement comme caractéristique première, est l’endroit du non-dit. Sitôt découvert, il se reconstitue ailleurs.

Que ce soit pour Le cercle rouge ou pour Few of Us, nous sommes invités à dresser une esquisse physique des lieux par l’intermédiaire de leur présentation sonore. Durant un entretien avec Jean-Luc Godard, Robert Bresson affirme que l’oreille est beaucoup plus créatrice, profonde et évocatrice que l’œil, prenant l’exemple du sifflement d’une locomotive, qui imprime en nous la vision de toute une gare. De fait, au sein des deux extraits étudiés, les endroits d’où proviennent le brouhaha tentent de décloisonner le cadrage restrictif imposé par la caméra. Il s’agit de dilater ce cadrage même sans y parvenir véritablement. À défaut d’aboutir, cette porosité s’avère cependant porteuse d’une forme de nébulosité. Les afflux sonores viennent irriguer les espaces mis en scène et les épaississent par leur présence. Les bruits entendus débordent d’énergie. Ils capitalisent l’attention. Ils interpellent le spectateur pour mieux le prendre à parti. « Chaque manifestation de notre vie est accompagnée par le bruit. Le bruit nous est familier. Le bruit a le pouvoir de nous rappeler à la vie14 » dit Russolo. Les deux extraits nous confirment que les sons, qu’ils soient mécaniques, physiques ou humains, étalent le hors-champ autour de la zone de l’image, lui donnent de la consistance, en renforcent la souveraineté. Quoi qu’on puisse croire, et même s’ils y paraissent insensibles, les personnages ne peuvent jamais l’ignorer complètement : ils co-existent en permanence avec ce non-visible. Non quantifiable ni mesurable, il peut même gagner en imprécision et ne plus pouvoir être défini en termes cartésiens.

Le hors-champ comme matière indistincte

Fig. 5 : The House (Sharunas Bartas, 1997)

Fig. 5 : The House (Sharunas Bartas, 1997)

Fig. 6 : L’avventura (Michangelo Antonioni, 1960)

Fig. 6 : L’avventura (Michangelo Antonioni, 1960)

Certaines œuvres cinématographiques mettent le spectateur face à un hors-champ volontairement embrouillé, aux qualités incertaines, dont on ne sait s’il fait ou non événement ni quel sens lui attribuer. Loin de se contenter d’être une simple extension du visible, il enclenche un questionnement profond sur le film dont il est issu. Nous faisons ici appel à une certaine sensibilité concernant certains détails scéniques. Ces sons, anodins pour d’autres spectateurs, ne le sont pas pour nous parce qu’ils nous intriguent réellement15. Ainsi, dans The House du même Bartas, tourné en 1997, nous sommes invités à explorer l’intérieur d’un manoir vétuste, énigmatique et intemporel.

Une myriade de personnages, issus de différentes époques, circulent dans ce lieu sans véritablement l’occuper. Ils apparaissent et disparaissent au fil des séquences qui s’enchaînent de façon non causale. Le film ne se base pas vraiment sur une trame narrative apparente. Ces individus ne s’expriment jamais face à la caméra. Ils semblent même s’ignorer les uns et les autres, errant comme des fantômes. Le personnage interprété par Valéria Bruni-Tedeschi, végétant interminablement dans une chambre (fig. 5), parait néanmoins attentif aux bruits de pas issus d’un couloir voisin ou à une musique symphonique jaillissant d’une autre pièce. On ne saurait dire avec certitude à quelle dimension diégétique ces sons appartiennent. Sont-ils réels ? Seraient-ce des productions mentales ? Des émanations spectrales ? Pourquoi la référence à cet air musical qui, à la limite de l’audible, ne peut être identifié ? Est-il joué depuis un lecteur CD, un poste radio ou un orchestre ? Quoi qu’il en soit, le hors-champ est ici interrogatif, jamais affirmatif. Le mutisme du personnage filmé creuse le non-dit et participe pleinement à notre attitude spéculative.

Enfin, le final de L’avventura (1960) de Michelangelo Antonioni fait état d’une crise conjugale entre un homme infidèle et sa compagne trompée. Un beau matin, celle-ci, totalement désarçonnée, quitte leur hôtel et fuit vers la place publique du village montagnard voisin, où son conjoint, peut-être pour s’expliquer sur ses actes, vient l’y retrouver (fig. 6). A priori, cette séquence n’a rien de particulièrement intrigant pour nous : pas de hors-champ manifeste, pas de jeu sur le cadré et le non-cadré. Néanmoins, une insolite nappe électroacoustique vient tout d’un coup parasiter le flux sonore. Elle suscite une interrogation sur sa provenance et sur son utilité. Certes, les personnages n’y prêtent pas le moindre intérêt. Proche du hululement, cet écho sonore pourrait simplement être considéré comme extradiégétique. Mais il ne peut s’empêcher d’induire une étrangeté car nous ne savons pas quoi en faire. Cette nappe ne fonctionne pas de manière opérante, contredit le souffle du vent dans les feuilles des arbres ou celui, plus lointain, du reflux des vagues. Il provoque la surprise car il est totalement imprévisible. Il génère une forme d’hétérogénéité. L’explication est à chercher du côté du travail de création musicale. Avec des sonorités électroniques et un style minimaliste, le compositeur du film, Giovanni Fusco, repense la relation audiovisuelle entre sons et images. De manière plus générale, il y a, dans la musique électroacoustique, une interpénétration entre les sons à vocation musicale et les bruits16. Pour le dire autrement, la partition de L’avventura inclut des bruitages qui créent de la confusion quant à leur niveau d’assimilation17. Ces sons peuvent attribuer au sens du film une portée totalement nouvelle et inclure des hypothèses de toutes sortes, même les plus improbables.

Condamnés à rester exclus de l’image, les sons dans le film de Bartas ou dans celui d’Antonioni se construisent non seulement leur propre dimension, d’une étendue sans bornes, mais aussi leur propre régime de discours. Ils sont ouverts à toutes les lectures interprétatives éventuelles18. Dans les deux cas, ce hors-champ insaisissable fonctionne comme une enveloppe de mystère. Sur le plan visuel, il passe par une invisibilité permanente, invisible car définitivement non-visible. L’invisible y restera invisible car il ne se revendique plus comme étant du visible en puissance : le hors-champ n’est pas du champ en force de travail. À partir de cet invisible étanche, le spectateur peut s’interroger de manière nettement plus active sur ce qui lui échappe et organiser une proposition discursive à partir d’une perception sonore efficiente19. Parce qu’elle est invérifiable, son interprétation demeure inattaquable. Sur le plan sonore, le hors-champ impose une écoute éveillée et réactive, ce qui rejoint les propos de Jean-Luc Nancy :

Si ‘’entendre’’, c’est comprendre le sens (soit au sens dit figuré, soit au sens dit propre : entendre une sirène, un oiseau ou un tambour, c’est chaque fois déjà comprendre au moins l’ébauche d’une situation, un contexte sinon un texte), écouter, c’est être tendu vers un sens possible, et par conséquent non immédiatement accessible20.

Face aux hors-champs proposés par Bartas, Antonioni ou par d’autres encore21, nous ne pouvons pas nous contenter d’entendre pour en évaluer leur teneur. Du fait que cet in-visible est réfractaire à toute tentative de discernement, il faut pouvoir prendre le temps d’y prêter l’oreille encore et encore. C’est par l’activité répétée de l’écoute que l’on peut potentiellement l’intellectualiser et en soupeser la contenance. L’in-visible n’est plus le pendant du visible mais la matière impalpable du visible.

Dans l’ensemble des extraits évoqués, ce qui se dissimule à l’abri de notre regard stimule l’attention. Face à l’in-visible, il faut apprendre à voir autrement qu’avec les yeux de même que, face au silence, il faut apprendre à entendre autrement qu’avec ses oreilles. Avec un peu de patience, on peut alors percevoir l’image non vue et le son non frappé. Mais contrairement à ce que Jean-Michel Durafour étudie dans un bel essai sur L’homme invisible de James Whale22, nous avons eu à chaque fois affaire à un in-visible non pas parce que non-montrable (un homme invisible par exemple) mais parce que non montré (quelque chose qui se dérobe). La formule de Christian Metz (« Le spectateur est "tout-voyant23" »), faisant du cinéma le domaine d’une omniprésence totale, s’annule. Le hors-champ prouve que l’ubiquité supposée du septième art a de très nombreuses limites.

Non seulement le spectateur n’a rien d’omnivoyant mais il doit savoir être tout-écoutant. La dissimilitude de l’audition et de la vision au cinéma se vérifie plus que jamais par l’utilisation du hors-champ comme agent de différentiation24. L’écart entre images et sons, bien plus productif que leurs liaisons, est le propre du cinéma. Il permet une « fusion de la déchirure », expression de Gilles Deleuze qu’Antoine Janot prolonge en expliquant que, si le cinéma permet de retranscrire une réalité naturaliste grâce à l’interaction audiovisuelle, il est aussi « créateur d’une autre réalité, décalée, discordante, où le son n’accompagne plus l’image, où il n’est plus son double25 ». Dans cette autre réalité, le hors-champ regorge d’énergie, grâce aux remous acoustiques qu’il dépose dans nos oreilles. Ces rumeurs ne sont pas sans provoquer parfois un certain malaise. En cela, elles suscitent fascination ou désagrément mais appellent toujours la participation du spectateur. Le silence relativement dense des lieux y devient un acteur primordial, faisant même du bruit un instrument pour mieux accentuer sa domination26.

Sous le poids de ce silence indomptable et par l’emploi du hors-champ comme un appel d’air, l’image cinématographique vit une forme de transcendance. Elle dépasse sa condition première et touche un niveau de perceptibilité bien supérieur à celui auquel elle est initialement assignée. En un parallèle absolu entre le silence dans le champ et le bruit hors-champ, vue et ouïe s’y entrechoquent, se complètent ou s’entremêlent. Si le hors-champ peut renforcer l’ascendance du silence, la logique peut aussi être retournée en sens inverse : le silence ravitaille et amplifie la puissance du hors-champ. Le silence permet au spectateur de se libérer de l’intérieur de l’image et d’aller vers cet en-dehors de l’image qui reste de l’ordre du fantasme inassouvi27. Nous avons affaire à un au-delà de l’image comme fuite permanente vers ce qui n’est pas matérialisé. Le hors-champ s’ouvre à nous, nous saisit par la main pour mieux nous aspirer en lui. Il absorbe la concentration et exerce un attrait sans pareil. Nous le réfléchissons de façon beaucoup plus insistante que le champ. En effet, si l’image est éphémère, le hors-champ, parce qu’il n’est jamais représenté à l’image, est impérissable. L’image figurée s’en remet à l’image manquante, pour inventer de nouvelles images mentales28. Il n’y a pas de limite dans le hors-champ de même qu’il n’y a pas de limite dans le silence. S’il n’apparaît pas, le hors-champ peut être l’objet de toutes les suppositions possibles puisqu’il reste dans une marge d’indécision et de non-dit. C’est par ce principe qu’il se recompose en permanence : il se désagrège pour mieux se renforcer, se sclérose pour mieux se restructurer, s’amoindrit pour mieux se cimenter. L’imagination du spectateur est en marche.

Notes

1 Jacques Aumont, L’œil interminable, Paris, La Différence, coll. « Les Essais », 2007 [1989], p. 122. Retour au texte

2 Jean-Baptiste Thoret, « Hors-champ », in Antoine de Baecque, Philippe Chevallier (dir.), Dictionnaire de la pensée du cinéma, Paris, Quadrige/PUF, coll. « Dicos Poche », 2012, p. 349. Retour au texte

3 Cela rejoint l’assertion de Jacques Aumont : « Le cadre est ce qui fait que l’image n’est ni infinie ni indéfinie, ce qui finit l’image, l’arrête. » Jacques Aumont, op. cit., p. 122. Retour au texte

4 En réalité, en dépit du caractère prévisible de nombreux films, le spectateur ne peut pas anticiper les images qui vont apparaître, du moins uniquement dans un certain degré d’approximation. Un film, en termes de contenu et de révélation à l’écran, ne relève jamais d’une science exacte. Retour au texte

5 « Écouter/voir... le son au cinéma, (pose) à la fois la ‘’schize’’ (/) et le lien caractérisant la relation audio-visuelle au cinéma. Dualité et synesthésie propre à nos sens dont le cinéma se plaît à explorer depuis ses origines toutes les potentialités, sur les plans esthétiques, économiques, perceptifs... » Thierry Millet, « Introduction », in Thierry Millet (dir.), Analyse et réception des sons au cinéma, Paris, L’Harmattan, coll. « Champs visuels », 2007, p. 8. Retour au texte

6 Michel Chion, L’audio-vision, Paris, Nathan, 1990, p. 75. Retour au texte

7 Theo Angelopoulos, cinéaste grec, exploite la même configuration scénique à plusieurs reprises au sein de son œuvre cinématographique. Dans Alexandre le Grand (1980), une exécution au sabre a lieu dans une cellule de prison, alors que la caméra reste devant la porte d’entrée de la geôle. L’intérieur du lieu, plongé dans le noir, ne nous permet pas d’y voir quoi que ce soit. Le bourreau en sort au bout de quelques minutes, essuyant la lame ensanglantée de son arme blanche. Dans Paysage dans le brouillard (1988), un chauffeur viole une jeune adolescente à l’arrière d’un camion. La caméra, placée à quelques mètres devant les épais rideaux à lanière du véhicule, reste à distance du sordide événement. Après un temps d’attente assez considérable, le violeur retourne au volant. Sa malheureuse victime écarte ensuite le rideau et tente d’essuyer le sang qui s’écoule depuis son entrejambes. Dans les deux cas, un acte terrible se produit en hors-cadre et exclut d’office le spectateur. Le sang joue alors le rôle de trace figurative, apparaissant furtivement à l’écran, pour attester de la défloration brutale. À la différence du film de Wellman, le son ne fait pas événement dans les deux exemples ci-dessus, les plans y étant immergés dans un silence dramatique. Si le rapprochement entre ces réalisateurs antipodiques peut paraître curieux, Angelopoulos n’a jamais caché sa fascination pour les films de gangsters américains, qu’il allait voir au cinéma durant son enfance. Retour au texte

8 Roberto Casati, Jérôme Dokic, La philosophie du son, Nîmes, Jacqueline Chambon, coll. « Rayon philo », 1994, p. 38. Retour au texte

9 Au sens où le silence relatif de ces lieux permet à n’importe quel son de se faire entendre distinctement et de circuler plus facilement dans l’espace donné. Retour au texte

10 Antoni Gryzik, Le rôle du son dans le récit cinématographique, Paris, Lettres Modernes Minard, 1984, p. 34. Retour au texte

11 Antoine Gaudin, L’espace cinématographique : esthétique et dramaturgie, Paris, Armand Colin, 2015, p. 170. Retour au texte

12 Ibid., pp. 183-184. Retour au texte

13 Véronique Campan, L’écoute filmique : écho du son en image, Saint-Denis, PU de Vincennes, 1999, p. 70 et pp. 85-86. Retour au texte

14 Luigi Russolo, L’art des bruits [trad. de l’italien par Nina Sparta], Lausanne, L’Âge d’homme, coll. « Avant-gardes », 1975, [1913], p. 40. Retour au texte

15 « Le son nous a touchés, c’est sûr, comme une caresse sur la peau ou, selon, comme une virile secousse, mais il n’en demeure qu’un écho affadi par la perte de cette mémoire, celle du toucher, qui s’efface rapidement, et qui fait que nous ne nous rappelons plus le son des films que nous avons vus. » Daniel Deshays, Entendre le cinéma, Paris, Klincksieck, coll. « 50 questions », 2010, p. 48. Retour au texte

16 Pour plus de précisions, lire la thèse de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis : musique électroacoustique et cinéma, archéologie et histoire d’un art sonore, Paris, MF, coll. « Répercussions », 2012. Retour au texte

17 « Distinction entre son musical et bruit : les sons musicaux et les bruits ne se distinguent pas radicalement quant à la relation à l’espace ou quant à leur nature événementielle. » Roberto Casati, Jérôme Dokic, op. cit., pp. 34-35. Retour au texte

18 « Omnidirectionnel, impalpable et invisible à la fois, le son est approprié à la suggestion de la présence d’un au-delà. C’est à cela que s’ordonne le système sonore du film en se libérant des contraintes cognitives et narratives pour se détourner sur d’autres objets [...]. » Daniel Weyl, « Le son dans Le sacrifice, matériau de l’invisible : Désancrage, détournement et réassignation », in Thierry Millet (dir.), op. cit., p. 134. Retour au texte

19 D’ailleurs, à l’invisibilité des corps relégués dans le hors-champ s’ajoute le problème de l’invisibilité du son qui, comme le dit Daniel Deshays, force l’écoute et engage une expérience forte de distinction et/ou de désignation durant la projection. Daniel Deshays, op. cit., p. 48. Retour au texte

20 Jean-Luc Nancy, À l’écoute, Paris, Galilée, coll. « La Philosophie en effet », 2002, p. 19. Retour au texte

21 Notamment Marguerite Duras qui, avec des films comme Nathalie Granger, La femme du Gange, India Song ou Son nom de Venise dans Calcutta désert, procède à une dissociation de la bande son et des images. L’écrivaine cinéaste ouvre un espace off autour des limites du cadre sans qu’on ne soit véritablement en mesure de relier les voix et bruits entendus avec ce qui se produit à l’intérieur du champ. Le spectateur s’y trouve asservi à un dispositif audiovisuel exceptionnellement confus et dissonant, d’où découlent une quantité incalculable de non-dits. Retour au texte

22 Jean-Michel Durafour, L’homme invisible de James Whale : soties pour une terreur figurative, Pertuis, Rouge profond, coll. « Débords », 2015. Retour au texte

23 « Comment se peut-il, par exemple, que le spectateur ne s’étonne pas lorsque l’image « tourne » ( = panoramique), et qu’il sait pourtant bien qu’il n’a pas tourné la tête ? C’est qu’il n’a pas eu besoin de la tourner vraiment, il l’a tournée en tant que tout-voyant, en tant qu’identifié au mouvement de la caméra, comme sujet transcendantal et non comme sujet empirique. » Christian Metz, « Le signifiant imaginaire », Communications, n° 23, « Psychanalyse et cinéma », 1975, p. 36. Retour au texte

24 Jean-Michel Durafour explique que dans des films où l’on entend sans voir, « le son est déjà l’indice de l’infigurabilité de l’homme ». Jean-Michel Durafour, op. cit., p. 92. Retour au texte

25 Antoine Janot, Le cinéma est-il devenu muet ?, Paris, L’Harmattan, coll. « Univers musical », 2014, p. 11. Retour au texte

26 « Le bruit ne serait que le mur derrière lequel le silence sommeille ; le bruit ne serait pas alors le vainqueur du silence, il ne serait pas son maître, mais son serviteur qui veille avec bruit tandis que le maître, le silence, sommeille. » Max Picard, Le monde du silence, Vendôme, PUF, coll. « Bibliothèque de Philosophie contemporaine », 1953, p. 179. Retour au texte

27 « Le silence semble, en effet, avoir partie liée avec un art de la suggestion, en ce qu’il libère ou décuple la puissance d’évocation du médium. Le visible en vient à exprimer, par déplacement métonymique, association synesthésique, substitution métaphorique, ce qui ne peut se dire, s’entendre, se sentir. » Nathalie Pavec, « Introduction », in Adrienne Boutang, Nathalie Pavec (dir.), Le silence dans les arts visuels, Paris, Michel Houdiard, 2016, p. 13. Retour au texte

28 « Les pulsations de la lumière et les vibrations sonores se répondent pour susciter des idées chez le spectateur, pour éveiller des images mentales, elles-mêmes n’étant ni visuelles ni auditives ». Antoni Gryzik, op. cit., p. 7. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Louis Daubresse, « Au-delà de l’invisible présence : manifestations audiovisuelles du hors-champ cinématographique », Motifs [En ligne], 4 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 27 novembre 2024. URL : https://lodelpreprod.univ-rennes2.fr/blank/index.php?id=430

Auteur

Louis Daubresse

Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle

Droits d'auteur

Licence Creative Commons – Attribution 4.0 International – CC BY 4.0