La question de la norme et du genre dans Línea de fuego (2020) de Pérez-Reverte

DOI : 10.56078/motifs.673

Resumo

Durant le siècle dernier la norme traditionnelle de représentation du genre fut principalement binaire et hétéronormative. En littérature, dans l’œuvre de l’Espagnol Arturo Pérez-Reverte, la norme et le genre font également sens. En effet, dans Línea de fuego, l’un des derniers romans (non traduit en français) de l’académicien et écrivain espagnol, publié en 2020, nous retrouvons la représentation de la normalité et de l’anormalité traditionnelle du genre propre non seulement au contexte historique des années 1930 mais aussi à la génération de l’auteur (né en 1951). Cependant, ce roman offre également la représentation de l’anomal, de l’exception, de l’irrégulier, de l’inédit. En effet, l’inclusion d’un groupe de femmes dans la bataille de l’Èbre (1938), pendant la guerre civile espagnole, constitue une anomalie historique : une catégorie productive intentionnelle qui déplace les repères, interroge, perturbe le sens de l’Histoire et brouille les représentations du genre. C’est la raison pour laquelle, nous sommes amenés à penser que Pérez-Reverte se laisse emporter par un flot lexical trivial, voire argotique, circonscrivant dans son roman le caractère descriptif de l’anomal, sans se référer forcément à une valeur au regard d’un type de règle, dans le contexte actuel où la notion de genre est fortement interrogée et remise en question, notamment par les mouvements féministes et LGBT+ et le wokisme, mais également par leurs détracteurs. La finalité de Pérez-Reverte n’est peut-être pas de déconstruire un modèle existant, mais de survivre face à une certaine réécriture qu’impose le regard de la postmodernité.

Plano

Texto completo

À María Martos Vargas, femme de l’époque.

À Juan, son frère, tombé en juillet 1937 à la bataille de Brunete.
Il ne revint pas à sa place, ni sur les aires de battage,
ni se promener par la Croix de pierre avec Teresita1.

Introduction

La norme traditionnelle de représentation du genre, au xxe siècle, fut principalement binaire et hétéronormative. La déviation par rapport à ladite norme est alors considérée comme une représentation anormale ou déviante. Cette construction hétéronormative, prétendument naturelle, sert de modèle et de règle sociale et culturelle. Ces adjectifs nous entraînent dans le domaine des jugements de valeurs, de la catégorisation et de la classification traditionnelle du genre qui s’ajustent à certaines normes fixées à l’avance.

Nous nous intéresserons ici à l’écrivain et scénariste espagnol Arturo Pérez-Reverte (né à Carthagène en 1951), journaliste et ancien correspondant de guerre, membre de l’Académie Royale Espagnole (Real Academia Española) depuis 2003. Grand admirateur d’Alexandre Dumas et auteur à succès2, Pérez-Reverte est aussi au cœur de nombreuses polémiques idéologiques, accusé de positions conservatrices et de machisme, il est régulièrement critiqué par les féministes. D’un point de vue littéraire, la norme et le genre font également sens dans son œuvre. Ainsi, dans son roman historique Línea de fuego3 (2020), dont l’action se déroule lors de la bataille de l’Èbre4 (1938), décisive pour l’issue de la guerre civile espagnole, la représentation des normes traditionnelles de genre est liée aux stéréotypes virilistes de l’époque. Le fait d’inclure un groupe de femmes dans cette bataille constitue donc une anomalie intentionnelle face à la réalité sociohistorique5.

Cette fiction a été accueillie avec intérêt puisqu’il s’agit du premier roman de l’auteur qui se concentre directement sur la Guerre d’Espagne. Dans d’autres ouvrages cette thématique n’apparaissait qu’au second plan, comme dans l’atmosphère du roman Falcó et dans un livre pédagogique pour la jeunesse intitulé La Guerre civile racontée aux jeunes :

Il y a près de quatre-vingts ans, entre 1936 et 1939, au temps de nos grands-parents et de nos arrière-grands-parents, une terrible guerre civile a eu lieu en Espagne. Elle a fait des milliers de morts, détruit des maisons, ruiné le pays et conduit beaucoup de gens à l’exil. Pour éviter que cette triste tragédie ne se reproduise à nouveau, il convient de se rappeler comment elle s’est produite. On pourra ainsi tirer de ce malheur des conclusions utiles sur la paix et la coexistence qu’il ne faut jamais perdre. Des leçons terribles que nous ne devons jamais oublier6.

Dans cet article, nous nous proposons d’analyser la question de la norme et du genre dans Línea de fuego, un roman où prédominent les personnages masculins. Il s’agit indéniablement d’une œuvre très documentée, montrant un intérêt particulier pour le langage familier et la vie quotidienne. En outre, les exploits militaires occupent une place importante, permettant d’affirmer que l’auteur tente de surmonter le dilemme classique du roman civiliste manichéen : à savoir qui sont les « bons » et les « méchants ».

Nous verrons, d’autre part, l’omniprésence de la sexualité dans l’intrigue. Les personnages sont sous tension dans le contexte d’anomalie que constitue une guerre civile. Ce roman s’adresse d’ailleurs au grand public qui peut, parfois, se perdre au milieu des innombrables personnages et se lasser des récits de batailles. Pérez-Reverte combine ainsi des éléments réels avec d’autres imaginaires : un village fictif (Castellets del Segre), des militaires, et une série de personnages qui interagissent de manière « normale » selon une matrice hétéronormative dans ce contexte exceptionnel alors que, paradoxalement, les années 1930 en Espagne – notamment la Seconde République espagnole, de 1931 à 1939, qui accorde le droit de vote des femmes en 1933 – constituent une période d’ouverture sociale et de deuxième vague du mouvement féministe :

La consécration constitutionnelle du suffrage universel […] a changé la perspective du rôle de la femme dans la vie politique : à son rôle de guide des masses s’est ajouté celui d’électrice potentielle des différentes options du parti, ce qui a obligé à repenser les paradigmes et les messages jusque-là transmis en ouvrant la voie à de futurs progrès pour la condition féminine qui, comme on l’a signalé à juste titre, se caractérise à cette époque par un mélange complexe de changements et de continuités7.

Dans Línea de fuego, les personnages ne sont pas vraiment individualisés mais plutôt représentatifs de différents secteurs idéologiques, bien que déterminés par un concept de genre assez uniforme. En ce sens, l’affirmation suivante peut leur être globalement appliquée : « Leurs besoins fondamentaux et, par conséquent, leurs droits fondamentaux sont connus par divers moyens, par divers types de pratiques, parlées et performées8. » Par exemple, chez les Bleus9 (division espagnole de la Wehrmacht, créée en 1941 par Franco), il y a des Requetés10 catalans du tercio de Montserrat « qui se vantent de parler catalan [et affichent] une haine viscérale envers [...] les séparatistes qui ont déchiré leur terre11 », des légionnaires, des Maures… Chez les Rouges, nous trouvons des dynamiteurs, des communistes, des staliniens, des anarchistes, des brigades internationales et aussi un groupe de femmes des transmissions : dix-huit au total, la plus jeune ayant 19 ans et la plus âgée 43 ans. Nous en déduisons que la diversité idéologique de ces protagonistes historiques, et fictifs dans l’intrigue, influence la façon dont ils comprennent le monde et développent leur propre sexualité, bien que ce fait n’implique pas, à l’époque et dans la pratique, une unanimité idéologique sur le concept alternatif de genre ou d’une féminité libérée.

L’originalité du discours narratif de Pérez-Reverte pourrait résider dans l’anomalie de l’incorporation fictive de ces femmes dans la bataille des hommes, occupant une place prépondérante dans la diégèse. À la fin de cette étude, il restera à déterminer le degré et l’intentionnalité de cette originalité dans le roman.

Normal, anormal et anomal dans Línea de fuego

La guerre […] est avant tout une question d’arithmétique :

Dieu aide les méchants quand ils sont plus nombreux que les bons12.

En ce qui concerne la représentation du genre, tout d’abord, le roman est dominé par une série de comportements répétitifs qui reflètent un modèle traditionnel. Précisément, l’idée de l’objet féminin, « bombón13 », se manifeste chez de nombreux personnages : « Ici, il n’y a pas de belles, – objecte Expósito, sèchement. Ce n’est pas qu’elle soit belle […], c’est qu’elle est Greta Garbo14. » Cela se fait en idéalisant les femmes et en les identifiant aux stars de cinéma, comme Pérez-Reverte a tendance à le faire dans certains de ses écrits non fictionnels :

[…] Je peux l’avouer sans complexe : mon véritable amour cinématographique, la femme de ma vie sur celluloïd, ce n’est pas Ava Gardner, même si elle s’en est approchée dans Mogambo, ni Claudia Cardinale. Mais le véritable amour de ma vie […] s’appelle […] Louise Brooks, et il est probable que certains d’entre vous, les plus jeunes ou les moins cinéphiles, ne la connaissent pas du tout. Mais ça peut s’arranger : tapez son nom dans Google ou YouTube, et après vous m’en donnerez des nouvelles15.

Parfois, le lexique du roman évoque aussi le rejet : « On se retrouve toujours avec la moche du bal16. » Les dialogues entre les personnages masculins et féminins ne font que confirmer qu’il n’y a qu’une seule façon d’entrer en relation avec les autres dans le cadre du modèle traditionnel de genre : « – Nous sommes toutes des femmes, sauf le lieutenant. – Et est-ce que les autres sont aussi appétissantes que toi17 ? » C’est le physique qui détermine les femmes et leur subordination au désir masculin renforce l’idée que « la domination sexuelle est peut-être l’idéologie la plus profondément enracinée dans notre culture, car elle cristallise en elle le concept le plus élémentaire de pouvoir18 ».

De plus, dans l’histoire, seule l’intimidation d’une force supérieure peut contrer cet abus de pouvoir : « – Toutes. Sourit l’autre après un moment, comme si elle y pensait mieux, en regardant le pistolet que Pato porte à sa ceinture19. » Le philosophe et sociologue allemand Georg Simmel (1858-1918), dans son contexte historique, essaie d’apporter une pensée dialectique, une approche multi-causale, rejetant l’idée qu’il existe des lignes de démarcation dures entre les phénomènes sociaux. Aujourd’hui son concept de « coquetterie » peut sembler obsolète et misogyne : « le pouvoir des femmes sur les hommes se manifeste dans le oui ou le non, et c’est précisément cette antithèse, dans laquelle oscille le comportement de la coquette, qui appuie le sentiment de liberté20 ». Cette notion de limite est une question d’actualité au lendemain du projet de loi controversé, en Espagne, du « seul oui est oui » :

[…] lorsque la loi ne fait pas de différence entre l’agression sexuelle et l’abus sexuel, elle fusionne les infractions et elles ne sont plus assorties d’une gamme différente de sanctions. Tout acte « sans consentement exprès » qui viole la liberté sexuelle est une agression sexuelle, et toute agression est passible d’une peine de prison de 1 à 4 ans. Jusqu’à présent, les abus étaient passibles de 1 à 5 ans d’emprisonnement ou d’une amende21.

Ainsi, le piropo (compliment adressé à une femme dans le but d’attirer son attention et, éventuellement, de la séduire) semble faire partie de la normalité quotidienne dans le roman : « en la voyant apparaître, certains lèvent la tête et la regardent avec une curiosité accentuée par le fait qu’elle est une femme. Ignorant le chœur de sifflets et de compliments moqueurs qu’elle soulève sur son passage22. » Cela signifie que « nous pouvons observer non seulement comment les normes qui régissent la réalité sont citées, mais aussi les mécanismes par lesquels la réalité est reproduite et modifiée au cours de cette reproduction23 ». En ce sens, la « drague » peut être considérée aujourd’hui comme un phénomène démodé et de mauvais goût ; et même comme une certaine forme d’intimidation :

La jeune Peeters, comme tant d’autres femmes, catalogue la drague comme une « violence invisible » à l’égard des femmes et appelle à une action en justice contre ces « agressions » […] Mais […] est-il possible de généraliser en la matière ? Les experts estiment que, lorsque la culture de l’esprit dépasse les limites du bon goût, elle peut être comprise comme une vexation, une action coercitive contre la liberté des femmes et leur droit à l’intimité24.

Le thème des femmes en guerre, « pleines de passion et de fureur25 », est fondamental et est représenté avec un certain exotisme dans le roman, « les miliciennes que les photographes de presse aiment tant26 », bien qu’il semble contredire la réalité historique de « la guerre comme un combat d’hommes contre des hommes27 ». Pour l’auteur, c’est une façon de montrer aux femmes « ce qu’elles perdent à la guerre28 », comme le disent les protagonistes, « une affaire d’hommes et que, nous, nous sommes mieux à l’arrière-garde29 » :

Les femmes de l’Espagne rebelle effectuaient des activités typiques de l’arrière-garde, s’éloignant ainsi des lignes de front. Du côté nationaliste, la guerre était une activité réservée aux hommes, la relation la plus directe des femmes avec le front consistant à s’occuper des blessés, à travers des activités liées aux soins infirmiers et à la confection de vêtements et d’uniformes. Ce rejet des femmes hors du combat était dû, fondamentalement, à la société patriarcale qui prévalait à l’époque et à l’idéologie traditionnelle qui animait ce camp30.

Cette anomalie historique du roman consistant à intégrer les femmes dans les combats, et à les mettre en lumière par le biais du narrateur, est sûrement le résultat d’une volonté d’afficher une certaine sympathie envers le féminisme. En revanche, les essais pour contrebalancer la réitération de ces mêmes normes qui, au fil du temps, ont été soumises à une re-signification et à une transformation sociale sont peu convaincants. En ce sens, comme l’affirme Judith Butler, il y a eu un changement progressif du langage pour se référer au genre : « […] il s’agit de développer un nouveau lexique légitimant la complexité du genre telle que nous l’avons toujours vécue31 », évolution qui n’est d’ailleurs pas reflétée dans ce roman de Pérez-Reverte.

Aujourd’hui encore, l’utilisation du lexique de genre du xixe siècle nous semble inexplicable, même pour des sujets spécifiques en la matière, car ces termes faisaient à l’origine allusion à la normalité et à l’anormalité cliniques (hétérosexuel / homosexuel). Pour cette raison, la conceptualisation des modèles socio-historiques du genre classique, traditionnel et constructiviste, nous semble pertinente. Selon les résultats d’une série d’enquêtes préliminaires nous pouvons affirmer, en résumé, que lorsque nous nous référons à un modèle de genre constructiviste (qui ne se limite pas à l’identitaire, s’inscrivant ainsi dans la continuité des dernières tendances défendues par des penseurs tels que Paul  B. Preciado32), nous faisons référence à une idéologie qui comprend le genre comme une entité sociale et variable. Cette nouvelle norme cohabite actuellement avec le modèle traditionnel de genre influencé par le judéo-christianisme, consolidé à partir du ive siècle de notre ère, en Occident, et qui établit un double système de mariage et de célibat chrétien33. Comme l’a notamment montré Michel Foucault34, la norme judéo-chrétienne stigmatise toute déviance ne respectant pas ce système binaire de complémentarité biologique entre le masculin et le féminin. Ce système social, à son tour, a coexisté et s’est finalement imposé au modèle classique de genre du monde gréco-romain, fondé sur la diversité, sur le statut juridique et non biologique des individus et sur la hiérarchie entre citoyens et esclaves.

En outre, la féminité est liée dans le roman à la maternité et à l’invocation de l’aide de la mère terrestre et spirituelle : « Angoisse : Mère, s’exclame-t-elle de temps en temps. Mère, mère… mon Dieu… mère35. » Ainsi, il ne faut pas oublier l’importance et l’influence de la figure de la Vierge Marie, surtout à partir du Moyen Âge, lorsque l’anthropocentrisme est remplacé par la féminité iconique et le théocentrisme, produisant jusqu’au xviiie siècle « une forte féminisation dans l’Église de la figure de la Vierge36 ».

Ainsi, la féminité est représentée dans l’art et le catholicisme par l’image de la Vierge, un symbole de maternité et de pureté qui contribue à la construction sociale du genre traditionnel. En ce qui concerne la notion de famille et l’interdiction de l’inceste et la position que chacun occupe dans la famille, Butler souligne que « […] la notion de culture qui a été transmutée en “symbolique” dans la psychanalyse lacanienne est très différente de la notion de culture encore courante dans les études culturelles37 ». Si la construction d’une féminité subordonnée à la masculinité n’a pas réussi à faire des femmes des citoyennes politiques et sociales, la vérité est que « le primat moderne de la liberté a suffi à faire de leur maternité un devoir moral, personnel et social38 » qui influence l’imaginaire collectif. Cette invocation de la maternité est associée comme valeur supérieure, par Arturo Pérez-Reverte, à l’idéologie et à l’origine commune des hommes qui se battent entre eux :

– Comment sais-tu qu’elle est fasciste ? – En bien, je ne sais pas… Elle est en train d’appeler Dieu et sa mère.

– Et qui veux-tu qu’elle appelle ? La Pasionaria ?

– C’est ce qui ne va pas avec ces guerres, dit Olmos derrière lui. Vous entendez l’ennemi appeler sa mère dans la même langue que vous, et c’est comme ça, n’est-ce pas… Ça vous donne froid dans le dos39.

D’autre part, la position unanime de solidarité entre les idéologies dans le récit est marquée dans l’épisode de la femme enceinte40, où la maternité surmonte la barbarie et l’irrationalité de la guerre. Ainsi, ces normes qui sont reproduites par les sujets peuvent être imitées de telle sorte que les règles hégémoniques du genre restent intactes jusqu’à ce que la conjoncture politique permette un changement sans sous-estimer l’importance de la maternité. Cette conjonction historique entre réalité et normalité socioculturelle, reflétée dans le roman, a influencé la capacité d’action (agency) des femmes, constituant non seulement « un acte unique, mais une répétition et un rituel qui atteint son effet par sa naturalisation41 ». Si, au fil des siècles, nous avons accepté ce qui semblait initialement impensable, allant jusqu’à adopter par exemple l’idée copernicienne que la terre tourne autour du soleil, aujourd’hui la maternité se vit de façon aussi diverse que les différents types de familles qui composent notre société et ne s’identifie pas nécessairement à la femme biologique ou aux schémas hétéronormatifs et aux comportements sociaux des personnages impliqués dans la bataille de l’Èbre.

En somme, le vocabulaire familier réitératif suppose une norme adaptative qui se réfère au féminin et conditionne les femmes dans leurs actions sociales, exprimant par la grossièreté une situation censurable et conventionnelle : « Ce serait moche, mon enseigne, qu’on nous mette la chatte dans les nouilles42. » La féminité se débat entre quelque chose d’aussi conventionnel que la vertu materno-virginale susmentionnée, où la sexualité a peu d’importance, et sa propre négation avec la répétition de l’expression « putain de mère », antithèse et résultat d’un péché originel et libidineux, « – Je vais chier – dit-il très fort et très lentement – sur votre putain de mère43 ». Comme chacun sait, la femme était ancestralement considérée comme l’origine du péché et du mal « – mauvais comme la mère qui les a mis au monde44 », l’influence dans l’imaginaire de certains passages de la Bible, parfois décontextualisés, reste encore étonnante : « la femme est plus amère que la mort, car elle est un piège ; son cœur est un filet et ses bras sont des chaînes. Celui qui plaît à Dieu s’échappe d’elle, mais le péché y est emprisonné45. »

Voici quelques autres exemples d’utilisations du mot « mère » (« madre »), dans le roman de Pérez-Reverte, associant le concept très espagnol d’honneur au manque d’estime et de respect de sa propre dignité liée à la dimension sacrée de l’image maternelle. C’est par une diffamation arbitraire de la figure maternelle que les expressions suivantes expriment le mépris social et idéologique pour autrui :

Prostituée – maternité :

Identité :

« Je vais chier sur votre putain de mère46 »

« Les libertaires de la reine putain et sa mère47 »

« Tu connais ce fils de pute48 ? »

« Les appelant rouges fils de pute49 »

L’acceptation et l’utilisation de ce type de langage correspondent à l’invocation normative « d’un “avant” non historique [...] qui légitime le contrat social50 ». En raison de cet usage lexical, très présent dans le récit, masculinité et féminité apparaissent combinés sous des formes contradictoires et binaires chez chaque sujet, mais respectant en somme la logique de la matrice traditionnelle hégémonique et obligatoire du comportement social où la violence invisible et verbale est tolérée. Les femmes apparaissent ainsi comme des boucs émissaires dans un système qui libère les tensions sur la base d’une construction théorique et de ses transgressions dialectiques par rapport au genre. De plus, les hommes occupent une place centrale dans l’existence et l’identité des personnages féminins : « Pato considère qu’à ce moment précis, quelque part au loin, il y a peut-être une mère, une sœur, une petite amie qui se réveille en pensant à lui sans savoir qu’il est mort51. » Dans le modèle traditionnel des genres, le rôle de la famille est clairement établi et rigoureusement appliqué jusqu’à une période récente, continuant souvent à régir les relations sociales actuelles :

Le machisme, en tant que construction culturelle, est une manière particulière de concevoir le rôle masculin, une manière qui découle de la rigidité de la plupart des sociétés du monde contemporain, pour établir et aiguiser les différences de genre entre ses membres. C’est ainsi que sont générées des attentes comportementales autour de l’homme qui incluent des valeurs et des attitudes, façonnant ainsi une conception idéologique basée sur la supériorité de l’homme par rapport à la femme, supériorité que l’on a prétendu fonder sur différentes perspectives idéologiques tout au long de l’histoire de la pensée52.

Ainsi, la femme se voit assigner une place particulière dans le monde, contre laquelle elle semble devoir se rebeller continuellement pour s’imposer ou simplement survivre : « Ce n’est pas une place pour une femme, ce n’est une place pour personne, répond-elle53. » « La notion selon laquelle il peut y avoir une “vérité” du sexe, comme l’appelle ironiquement Foucault, est créée précisément par les pratiques réglementaires qui produisent des identités cohérentes à travers la matrice des règles cohérentes du genre54. » En général, si une action est considérée comme positive, elle appartient à la sphère de la masculinité, à moins qu’elle ne soit assumée par la femme : « Pour te promener seul par ici, tu as plus de couilles que certains d’entre eux55. » Le lexique construit et reflète la condition féminine ; on parle de sexisme dans le langage quand « il est utilisé pour créer des messages discriminatoires basés sur le sexe, maintenant la situation d’infériorité, de subordination et d’exploitation du sexe dominé56 ». Dans le roman, on note une série d’exemples représentatifs de ce phénomène57 :

● Soumission :

● Caractère / génitalité / métier :

● Apparence :

● Imaginaire :

Volontaires (« voluntarias », p. 10)

Disciplinées/Drague (« disciplinadas/Piropos », p. 14)
Viol (« violado », p. 290)
Elles obéissent (« obedecen », p. 16)
Baiser nos femmes (« follarse a nuestras mujeres », p. 366)
En échange d’un sourire […] et d’un éventail de cils. (« A cambio de una sonrisa […] y un abaniqueo de pestañas », p. 166)
Trophée de chasse
(« trofeo de caza », p. 167)

Endolories/Olé vos ovaires ! (« doloridas »/« olé vuestros ovarios », p. 14)

Vêtement/Non seulement elle est mignonne, mais futée (« prenda »/« además de guapa, lista », p. 341)

Je me mets comme si ça me sortait de la chatte (« Me pongo como me sale del coño », p. 366)

Maîtresses, servantes, couturières/Chatte (« maestras, sirvientas, modistas »/« chocho », p. 290)

jolies infirmières (« enfermeras guapas », p. 495)

Pute (« puta », p. 364)

Culottes (« bragas », p. 11)

Règles/Androgyne / Jai (femme jeune et attirante) : attente masculine (« regla »/« andrógino », « jai », p. 14)

Danser avec la plus moche (« « bailar con la más fea » p. 241)

Haletantes (« jadeantes », p. 16)

Être une mule chargée (« ser una mula de carga », p. 288)

Être mal vue/Nous avons mauvaise réputation/Source de problèmes/Milicienne synonyme de déshonneur (« estar mal vista »/« tenemos mala fama »/« fuente de problemas »/« Miliciana sinónimo de deshonra », p. 126)

Entraîner des complications/Ça ouvre des portes d’être rousse (« acarrear complicaciones »/una pelirroja […] abre puertas », p. 166)

Il est vrai que Pérez-Reverte tente visiblement d’utiliser ses personnages féminins afin de critiquer cette situation de discrimination, en faisant allusion à certains des imaginaires les plus intolérants des deux bords politiques, même si le résultat n’est pas toujours probant : « des machines reproductrices d’enfants, des ménagères58 ». À cet égard, l’auteur affirme que « celui qui m’accuse de machisme sur les réseaux, c’est parce qu’il n’a pas lu un seul de mes livres dans toute sa vie59 » :

A. P. R. : « Sans aucun doute. Celle qui a perdu la guerre c’est la femme, dont le calendrier a pris un siècle de retard. Le plus grand désastre a été le passage d’une femme libérée, instruite, maîtresse de sa vie et de son corps, à une femme soumise, mère de famille et guidée par son confesseur.  Ces cinq, six ou sept années de différence marquent un recul d’un siècle. Pour moi, la plus grande tragédie est justement celle-ci. Mes grands-mères, qui étaient des femmes cultivées et de bonne position sociale, n’auraient pas pu se développer intellectuellement si elles étaient nées pendant le franquisme60.

Bien qu’il s’agisse d’un autre stéréotype sur la féminité, le fait historique et narratif concernant la prostitution ne peut être ignoré. Les femmes, par exemple, étaient souvent tenues responsables de la propagation des maladies. Une sexualité « perverse » leur était attribuée et, par définition, on supposait qu’elles étaient toutes porteuses d’infections vénériennes : « Les clients, en revanche, étaient déchargés de toute responsabilité61. » Les femmes étaient considérées comme source de plaisir, ce qui impliquait la soumission, l’obéissance et même un certain sadisme de la part des hommes : « une danseuse de flamenco dont il a bénéficié. Le fils de pute62. » ; « Le viol apparaît comme un acte banal, comparé à la boisson ou à la bravoure63. »

Malgré le contexte de guerre, il existait une certaine conscience sociale de la situation d’exploitation de ces femmes :

La prise de conscience sociale fut l’un des outils utilisés par des organisations telles que Mujeres Libres [Femmes Libres] pour mettre fin […] à ce qu’elles considéraient comme un fléau contraire à la dignité des femmes. […] par le biais de la réinsertion sociale […] En fait, la ministre de la Santé de l’époque, l’anarchiste Federica Montseny, échoua dans ses efforts pour éliminer la prostitution parce que, entre autres choses, une telle interdiction nécessitait également un changement dans l’éducation et les valeurs sexuelles64.

L’idéal de stéréotype de genre de masculinité, qui construit en définitive les autres catégories de genre (dualisme entre mariage binaire et célibat contre déviance et stigmatisation), identifie l’homme à la force et détermine la fragilité de la femme : « Ce sont des légionnaires, mon commandant. Il le dit comme s’ils n’avaient pu être autre chose65. » Ce corps d’élite est reconnu encore de nos jours pour sa bravoure :

● Aspect :

● Comportement :

Le légionnaire, favoris épais et graveleux (« El legionario, patilludo y despechugado », p. 52)

[...] la poitrine velue, des tatouages (« [...] de pelo en pecho, tatuajes », p. 39)

[...] premiers à attaquer, derniers à se retirer (« primeros en atacar, últimos en retirarse », p. 121)

Presque tous les légionnaires combattent déjà ivres (« casi todos los legionarios combaten ya borrachos », p. 117)

Les expressions liées à la génitalité masculine renforcent l’idée de supériorité, de force, de courage, d’autorité… seulement brisée dans des situations limites – « Soudain, il se met à pleurer66 » – résultat de la panique provoquée par une situation particulièrement cruelle où la masculinité entre en crise, laissant place à des hommes « faibles, effrayés, tremblants67 ». Ce lexique nous renvoie au sexisme linguistique, conséquence aussi du contexte socio-historique du roman :

On est passible de sexisme linguistique lorsque l’on utilise des mots (sexisme lexical) ou que l’on construit des phrases (sexisme syntaxique) qui, en raison de la forme d’expression choisie par le locuteur et non pour une autre raison, sont sexuellement discriminatoires. Le fait discriminatoire sera plus ou moins manifeste selon la sensibilité de l’auditeur, sensibilité pour laquelle jouent deux facteurs : d’une part, son attitude vitale face à la discrimination fondée sur le sexe ; et, d’autre part, sa plus ou moins grande habileté à détecter des phénomènes de la langue non superficiels, révélateurs de la mentalité du locuteur68.

Exemples :

Bravoure :

Autorité :

Expressions :

Il faut avoir des couilles pour faire ce que vous faites, camarades / Olé ses burnes brunes ! (« Hay que tener huevos para lo vuestro, camarada… »/« ¡Olé sus pelotas morenas! », p. 46)
Aie les couilles / Essence, bombe et burnes (« Echadle huevos »/« Gasolina, bomba y huevos », p. 368)

Légionnaires (« legionarios », p. 195)
Les tripes (« agallas », p. 419)

Mes couilles (« mis cojones », p. 30)
Mes saintes burnes (« mis santos huevos », p. 395)
Ramène tes couilles (« manda huevos », p. 205)
Il s’en bat les couilles (« se lo pasa por los huevos », p. 296)
Par mes saintes burnes (« por mis santos huevos », p. 395)
Discipline (« disciplina », p. 48)

Il va faire une chaleur à se brûler les burnes (« va a hacer un calor de cojones », p. 59)
J’en ai plein les couilles (« estoy hasta los cojones », p. 69)
Un vieux de mon peloton avec des bernacles aux couilles (« Un chivani de mi pelotón, con percebes en los huevos », p. 96)
Couillu (« cojonudo », p. 44)
Je parie une burne (« me juego un huevo », p. 547)

Dans ce sens, la camaraderie est généralement un attribut masculin, comme le fait de se coordonner dans l’intimité, dans la vie quotidienne, « si les fascistes ripostent maintenant, ils nous attrapent avec la queue à l’air69 », ou « quéquette catalane n’arrose jamais seule70 ». La sueur, la saleté et les odeurs font partie de la guerre, comme un personnage de plus, et sont pratiquement utilisées comme un attribut de la « vraie » virilité : « de bourdonnement de ruche masculine agitée et tendue71 ». En outre, une série de signes externes et le lexique utilisé configurent ladite virilité « rauque et rugueuse72 » comme la voix de ces hommes « avec une touche de vantardise virile73 ». En d’autres termes, le rituel qui unit les hommes apparaît comme une qualité proprement masculine aux yeux de la féminité, « les femmes luttent plus seules74 ».

Exemples :

Sueur :

Odeur :

Physique :

Lexique :

La sueur qui mouille sa salopette bleue (p. 67)

Sueur de l’homme qui marche (p. 105)

Tabac, chemises trempées de sueur, hommes qui entrent (p. 169)

Ils puent autant que lui (p. 73)

Il sent l’odeur de sueur, de terre et de linge sale (p. 214)

Odeurs [...] crasse de centaines de soldats (p. 258)

Odeur de linge trempé de sueur et sale [...] humanité masculine (p. 13)

Moustache (p. 32)

Grosse moustache (p. 65)

Son magnifique aspect de guerrier (p. 56)

Pistolet à la main et cigarette fumant à la bouche (p. 47)

Sourcils épais (p. 44)

Gens durs (p. 56)

Bravoure, courage, Brutes mais hommes, Sacrés types (p. 5). Connu (p. 141) Torero (p. 142)

Être un mec parfait (p. 142)

C’était un garçon courageux (p. 150)

De même, le thème de la sexualité masculine canonique est habituellement traité par Arturo Pérez-Reverte dans des textes non fictionnels, parfois de manière nostalgique :

Le sexe était la chose en suspens que nous voulions tous mettre à jour […] il était mince, brun et extraordinairement beau, Alesio et moi chassions ensemble, ou c’était les filles qui nous couraient après – elles aussi, le soutien-gorge lancé par la fenêtre, elles avaient des audaces éblouissantes – combattant tenace sur plusieurs fronts à la fois et j’ai appris certaines choses intéressantes […] sur la façon dont la tête des femmes fonctionne quand elles te traînent vers leur côté le plus délicieusement sombre75.

Malgré les changements intervenus, en particulier depuis la fin du xxe siècle, nous constatons une sorte de résistance révertienne à inclure ou à présenter d’autres identités de genre selon un discours non binaire qui contre l’imposition séculaire des termes génériques. Il importe donc également de faire le point sur la manière dont les modes de présentation des questions de genre ne sont plus liés à l’orientation sexuelle de manière claire ou prévisible :

Le défi est de trouver un meilleur vocabulaire pour les façons de vivre le genre et la sexualité qui ne corresponde pas si facilement à la norme binaire. De cette façon, le futur est dans le passé et dans le présent, mais nous devons produire la parole où la complexité existante puisse être reconnue et où la peur de la marginalisation, de la pathologie et de la violence sera radicalement éliminée76.

À vrai dire, la négation de la déviance réaffirme le modèle traditionnel de genre, l’exception confirme la règle et « Harpo parle toujours de la section au féminin, en s’y incluant lui-même77 », anticipant ainsi dans le temps et dans l’espace le genre inclusif, apparu dans les années 1970, générant une allégorie où prédomine le féminin. Malgré cette exception, le lexique du roman exprime l’homophobie dans une série d’expressions familières – « Allez vous faire enculer78 », « mais, avant, vous allez me sucer la bite79 » – impliquant une certaine follophobie, mélange d’homophobie et de misogynie, assimilée à l’homme considéré comme dangereux ou indésirable : « Il porte son béret sur l’épaule, sans le pompon, parce qu’il dit que se promener avec ce gland qui pendouille, c’est un truc de pédés et de fascistes80. »

De même, ce type de comportement social entraîne une charge importante d’hypocrisie mutuelle et de confusion dans l’attribution des rôles et des pratiques sexuels : « Mais vous me faites tellement peur que j’en ai le trou du cul qui se serre81. » La violence s’exprime souvent à travers ce genre d’expressions et d’attitudes qui confortent cette virilité stéréotypée : « cette baïonnette je vais la lui enfoncer dans le cul82. » L’intimité partagée qu’implique la guerre nécessite l’établissement d’une série de limites propres à la masculinité traditionnelle qui ne comprend qu’une relation binaire mâle/femelle, « – Vu […] qu’on a déjà l’air d’être mariés ensemble. Il ne manquait plus qu’on se la secoue l’un l’autre. – Si on commence avec des trucs de pédés, moi je deviens communiste83 ». Et ce fait est généralement transversal sans distinctions idéologiques, « – Qu’est-ce que vous faites, les requetés ? – On pisse, mon capitaine84 ».

Les hommes apparaissent ainsi déterminés par un destin inébranlable qui leur prescrit une série de modèles de comportement social, « En dessous de la ceinture ils sont presque pareils85 ». Ainsi, l’insulte, « pédés86 », « bâtards87 », renvoie souvent dans le roman à un homme ennuyeux, lâche et peu recommandable : un anti-homme ou antihéros. La nécessité d’éliminer l’individu inopportun s’incarne dans l’intrigue de Gil Robles et son « besoin de supprimer trois cent mille Espagnols pour assainir la patrie88 » ; applicable aux deux camps et idéologies exterminatrices : « il faut exterminer toute cette racaille89. » C’est aussi l’avis de l’un des personnages féminins. La féminité se construit également par le stéréotype et la négation de la diversité identitaire, « Viviane se demande si le correspondant du New Yorker ne serait pas homosexuel. Il lui rappelle d’autres Anglais […] du même style90 ». Cependant, malgré la stigmatisation, le déviant combat aussi et, en cela, il ne diffère pas de la troupe : « un ancien chanteur de flamenco, homosexuel connu91. » De plus, Pérez-Reverte met dans la bouche de ses personnages le lexique du XIXe siècle utilisé encore de nos jours pour désigner le déviant « homosexuel, pédé »… D’autre part, dans la pyramide sociale, l’opposé est assimilé au stade inférieur de la féminité et de la différence raciale, « le maure s’y adapte avec soumission92 ». En définitive, pour la défense des idéaux, il n’y aurait pas d’actes commis par des femmes ou par des hommes qui soient plus authentiques que d’autres, ni plus infaillibles, en tout cas il y aurait des formes et des catégories sociales en accord avec un imaginaire social qui continue d’être fondamentalement hétérocentrique.

Conclusions

En résumé, la représentation de la norme et du genre dans Línea de fuego est plutôt traditionnelle, l’auteur privilégiant les représentations de la norme fixée à l’avance, hétéronormative, supposément naturelle et binaire. Une série de comportements répétitifs reflète un langage consacrant un héros masculin stéréotypé. La femme est l’objet du désir masculin, marquée par un système de récompenses et de punitions.

En second lieu, il nous paraît important de souligner la relation entre féminité, maternité et soin, représentée non pas comme un fait isolé de son contexte social, mais comme une pratique sociale, une répétition continue et constante dans laquelle les normes traditionnelles de genre et de procréation sont renforcées. De même le stéréotype de la prostitution féminine est récurrent dans le récit. La notion du patriarcat détermine le concept de pouvoir où la féminité est subordonnée et prédétermine son rôle de bouc émissaire et d’éliminations de tout type de tensions.

D’autre part, Pérez-Reverte dessine l’« anormal » selon les paramètres propres à la génération à laquelle il appartient. La déviation par rapport à la norme s’incarne, en général, dans l’archétype de l’homme dangereux et socialement indésirable : l’anti-héros masculin, sexuellement déviant. La négation de cette diversité de masculinités construit le système de stigmatisation traditionnelle qui conduit à l’homophobie, à l’insulte verbale et à la follophobie.

En ce qui concerne l’« anomal », l’écrivain espagnol imagine une uchronie où un groupe de femmes aurait participé à la bataille de l’Èbre, déconstruisant le genre et le stéréotype féminin dans la mesure où, dans l’imaginaire collectif, les femmes ne participent pas en première ligne à des conflits « violents » et guerriers. Ce rôle actif que le roman attribue aux femmes au cœur de la bataille relève de la pure fiction et ne semble pas suffisant pour réfuter la version officielle de la réalité historique, telle qu’elle apparaît dans la pratique parlée et performée des protagonistes, pour modifier le regard du lecteur sur le monde et le concept de genre représenté. Ainsi, l’impression qui se dégage de la lecture du roman est que l’auteur reproduit un discours restrictif par rapport au genre, produisant un effet de nostalgie d’un supposé paradis perdu reflété dans diverses lignes narratives. Dans ce sens le résultat est donc décevant car, même si Pérez-Reverte essaie d’afficher une certaine sympathie envers le féminisme, il est finalement peu crédible et contribue à une confusion dans l’attribution des rôles dans le contexte également anomal d’une guerre civile ; utilisant d’ailleurs son ironie habituelle pour refléter les relations entre hommes et femmes.

Ainsi, nous pouvons penser que Pérez-Reverte, connu pour ses habituelles polémiques sur les réseaux sociaux, centrées principalement sur l’actualité politique, la femme ou l’éducation et la culture, se laisse emporter par les valeurs de sa génération, en circonscrivant dans le roman le caractère descriptif de l’anomal, sans se référer forcément à une valeur par rapport à un type de règle, dans le contexte du genre actuel (où de nombreuses stratégies sont mises en place pour lutter contre les représentations binaires et stéréotypées), peut-être avec la finalité, non de déconstruire un modèle existant, mais de survivre face à la réécriture qu’impose aujourd’hui le regard de la postmodernité.

Notas

1 « À María Martos Vargas, mujer de la época / A su hermano Juan, caído en julio de 1937 en la batalla de Brunete. / No volvió a su plaza, ni a las eras, ni a pasear por la Cruz de piedra con Teresita. » Poème de l’auteur. Voltar ao texto

2 Licencié en journalisme et sciences politiques, Arturo Pérez-Reverte a travaillé pendant 21 ans (1973-1994) comme reporter de guerre pour la presse écrite et la télévision. L’action de son premier roman, El húsar, publié en 1986, se déroule en Espagne, pendant l’occupation napoléonienne. En 1994, Pérez-Reverte quitte définitivement la télévision et se consacre exclusivement à la littérature. C’est le roman d’aventures El club Dumas, publié en 1993, qui le rend célèbre. En 1996, il sort le premier opus de Las aventuras del capitán Alatriste, une série de romans historiques pour enfants et adolescents dont l’objectif est de leur faire connaître le Siècle d’Or espagnol. En 2020, il publie La cueva del cíclope, une compilation de quelque 6000 de ses messages sur Twitter concernant la littérature, écrits depuis qu’il y a ouvert un compte en 2010. À ce jour, Pérez-Reverte a publié plus de trente romans – dont plusieurs ont été adaptés à l’écran, parfois à partir de ses propres scénarios – et plusieurs compilations d’articles et de chroniques. Voltar ao texto

3 Arturo Pérez-Reverte Gutiérrez, Línea de fuego, Madrid, Alfaguara et Penguin Random House Grupo Editorial España, Edición Kindle, 2020. Voltar ao texto

4 La bataille de l’Èbre est le plus grand combat de la guerre d’Espagne, entre les forces républicaines et les insurgés nationalistes. Elle se déroula dans la basse vallée de l’Èbre, entre le 25 juillet et le 16 novembre 1938. Ce fut la dernière grande offensive des Républicains, qui se solda par un échec tactique et stratégique précipitant la fin de la guerre et la victoire de Franco. Voltar ao texto

5 Voir notamment Jorge Martínez Reverte, La batalla del Ebro, Madrid, Crítica, 2003. Voltar ao texto

6 « Hace casi ochenta años, entre 1936 y 1939, en tiempos de nuestros abuelos y bisabuelos, una espantosa guerra civil tuvo lugar en España. Causó miles de muertos, destruyó hogares, arruinó el país y llevó a mucha gente al exilio. Para evitar que tan desoladora tragedia vuelva a repetirse nunca, es conveniente recordar cómo ocurrió. Así, de aquella desgracia podrán extraerse conclusiones útiles sobre la paz y la convivencia que jamás se deben perder. Lecciones terribles que nunca debemos olvidar. » A. Pérez-Reverte Gutiérrez, La Guerra Civil contada a los jóvenes, Madrid, Alfaguara, 2015, p. 2. Voltar ao texto

7 « La consagración constitucional del sufragio universal [...] cambió la perspectiva del cometido de la mujer en la vida política: a su papel de orientadora de las masas se sumó el de potencial votante de las diferentes opciones partidarias, lo que obligaba a repensar los paradigmas y los mensajes hasta entonces transmitidos despejando el camino para futuros avances en la condición femenina que, como se ha señalado acertadamente, viene caracterizada en esta época por una compleja mezcla de cambios y continuidades. » Ana Aguado, « La experiencia republicana: entre la cultura del reformismo político y las culturas obreras », in Ana Aguado y María Dolores Ramos, La modernización de España (1917-1939) : cultura y vida cotidiana, Madrid, Síntesis, 2002. Cité par Julio Prada Rodríguez, « “Mujeres contra la revolución” : La movilización femenina conservadora durante la Segunda República española y la Guerra Civil », Amnis, no 8, 2008, https://journals.openedition.org/amnis/599#quotation. Voltar ao texto

8 « Sus necesidades básicas y, por lo tanto, sus derechos básicos se dan a conocer a través de varios medios, a través de diversos tipos de prácticas, habladas y preformadas. » Judith Butler, Deshacer el género [trad. María Antonia Muñoz], Editor digital Titivillus, 2004, p. 43. Toutes les citations de J. Butler sont traduites par A. Cobo et L. Souquet à partir des versions espagnoles. Voltar ao texto

9 Le terme « Bleus » est le plus neutre pour désigner les nationalistes ou fascistes, par opposition aux « Rouges », c’est-à-dire les républicains ou communistes. La Division Bleue (División Azul en espagnol ; Blaue Division en allemand) est le surnom donné à la 250e division d’infanterie de la Wehrmacht, officiellement dénommée División Española de Voluntarios (Spanische Freiwilligendivision en allemand) qui était un corps de 17 692 volontaires espagnols créé à la fin du mois de juin 1941, par le général Franco, et mis à disposition de la Wehrmacht de l’Allemagne nazie, celle-ci devant les équiper d’uniformes allemands, pour combattre sur le front de l’Est. Rappelée en Espagne le 5 octobre 1943, elle fut dissoute le 17 novembre de la même année. La division était ainsi appelée en raison de la couleur des chemises de la Phalange espagnole à laquelle appartenaient la plupart des soldats. Voltar ao texto

10 Les Requetés sont les miliciens carlistes espagnols, reconnaissables à leur béret rouge, essentiellement paysans et artisans, défendant « Dieu, la Patrie et le Roi ». Le carlisme (carlismo) est un mouvement politique légitimiste espagnol, apparu dans les années 1830, qui revendique le trône pour la branche aînée des Bourbons d’Espagne. De tendance conservatrice et anti-libérale, il est à l’origine de trois guerres civiles qui déchirèrent le xixe siècle espagnol et marquèrent profondément le pays. Pendant la Guerre civile espagnole les tercios de requetés, qui combattirent avec Franco, furent particulièrement actifs. Voltar ao texto

11 « Que presume de hablar en catalán [...] un odio visceral hacia [...] los separatistas que han desgarrado su tierra. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit., p. 112. Voltar ao texto

12 « La guerra [...] es sobre todo cuestión de aritmética: Dios ayuda a los malos cuando son más que los buenos. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit., p. 80. Voltar ao texto

13 Ibid., p. 64. Voltar ao texto

14 « “—Aquí no hay guapas—objeta Expósito, seca. No es que sea guapa […], es que es Greta Garbo. » Ibid., pp. 28-29. Voltar ao texto

15 « Puedo confesarlo sin complejos: mi verdadero amor cinematográfico, la mujer de mi vida en celuloide, no es Ava Gardner, aunque anduvo cerca de serlo en Mogambo, ni la Claudia Cardinale [...] Pero el verdadero amor de mi vida [...] se llama [...] Louise Brooks, y es probable que a algunos de ustedes, los más jóvenes o menos cinéfilos, no les suene de nada. Pero tiene arreglo: tecleen en Google o Youtube, y luego me cuentan. » A. Pérez-Reverte, « Mi amor en blanco y negro », 14 novembre 2020, https://www.xlsemanal.com/firmas/20201107/arturo-perez-reverte-dunkerque-laespanola.html. Voltar ao texto

16 « Siempre nos toca la fea de la verbena. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit., p. 58. Voltar ao texto

17 « —Somos todas mujeres menos el teniente. —¿Y las otras están tan buenas como tú? » Ibid., p. 45. Voltar ao texto

18 « [E]l dominio sexual es tal vez la ideología más profundamente arraigada en nuestra cultura, por cristalizar en ella el concepto más elemental de poder. » Kate Millett, Política sexual [trad. Anna María Bravo García], Madrid, Cátedra, 1995, p. 70. Toutes les citations de K. Millet sont traduites par A. Cobo et L. Souquet à partir de la version espagnole. Voltar ao texto

19 « —Todas. Sonríe el otro tras un momento, como si lo pensara mejor, mirando la pistola que Pato lleva al cinto. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit., p. 46. Voltar ao texto

20 « El poder de la mujer frente al hombre se manifiesta en el sí o no, y precisamente esta antítesis, en la que oscila el comportamiento de la coqueta, fundamenta la sensación de libertad. » Georg Simmel, Cultura femenina y otros ensayos, Barcelona, Alba, 1999, p. 125. Voltar ao texto

21 « Donde la ley no diferencia agresión y abuso sexual, refunde los delitos y ya no conllevan un rango distinto de penas. Todo acto «sin consentimiento expreso » y que atente contra la libertad sexual será agresión sexual y toda agresión conllevará una pena de prisión de 1 a 4 años de cárcel. Hasta ahora, el abuso se castigaba con penas de 1-5 años o multas. » Érika Montañés, « La “ley del solo sí es sí” castiga todo acto sexual no consentido, incluido el acoso “callejero” », ABC, 4 mars 2020. Disponible sur https://www.abc.es/sociedad/abci-ley-solo-si-si-castiga-todo-acto-sexual-no-consentido-incluido-acoso-callejero-202003040819_noticia.html. Voltar ao texto

22 « Al verla aparecer, algunos alzan la cabeza y la miran con una curiosidad que se acentúa al advertir que es mujer. Ignorando el coro de silbidos y piropos guasones que levanta a su paso. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 62. Voltar ao texto

23 « No sólo podemos observar cómo se citan las normas que rigen la realidad, sino que también los mecanismos mediante los cuales la realidad se reproduce y se altera en el decurso de dicha reproducción. » Judith Butler, Deshacer el género, op. cit, p. 199. Voltar ao texto

24 « La joven Peeters, como otras tantas mujeres, catalogan el piropo como “violencia invisible” contra la mujer y piden que se actúe judicialmente contra estas “agresiones” [...] Pero [...] ¿se puede generalizar en esta materia? Los expertos creen que cuando el cultivo del ingenio traspasa los límites del buen gusto puede entenderse como vejación, una acción coercitiva contra la libertad de la mujer y su derecho a la intimidad. » Gonzalo Núñez, « Piropos: vejación o galantería », La Razon, 12 novembre 2012, https://www.larazon.es/historico/3562-piropos-vejacion-o-galanteria-RLLA_RAZON_480096/. Voir aussi : Gabriela Espinoza, ¿Galantería o acoso sexual callejero? Un análisis jurídico con perspectiva de género, Quito, Editorial América Latina, 2016. Voltar ao texto

25 « Llenas de pasión y furia. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit, p. 125. Voltar ao texto

26 « Las milicianas que tanto gustan a los fotógrafos de prensa. » Ibid., p. 10. Voltar ao texto

27 « La guerra como un combate de hombres contra hombres. » Ibid., p. 104. Voltar ao texto

28 Andrés Amorós, « Los Libros: Línea de fuego », Esradio Libertad Digital, 20 octobre 2020. https://esradio.libertaddigital.com/fonoteca/2020-10-20/los-libros-linea-de-fuego-155592.html. Voltar ao texto

29 « Asunto masculino y que nosotras estamos mejor en la retaguardia. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit, p. 126. Voltar ao texto

30 « Las mujeres de la España sublevada llevaban a cabo actividades propias de la retaguardia alejándose así del frente de combate. En el bando nacional la guerra era una actividad reservada para los hombres, siendo la relación más directa de las mujeres con el frente el cuidado de heridos, a través de actividades relacionadas con la enfermería, y la confección de prendas y uniformes. Este rechazo a la mujer en la contienda estaba propiciado, fundamentalmente, por la sociedad patriarcal imperante en el momento y a la ideología tradicional que movía a este bando. » Mar Ávila & Adrián Huici, La miliciana en la guerra civil: realidad e imagen, Universidad de Sevilla, 2017, p. 7. Voltar ao texto

31 « Se trata de desarrollar un nuevo léxico legitimador para la complejidad de género que siempre hemos estado viviendo. » J. Butler, Deshacer el género, op. cit., p. 199. Voltar ao texto

32 Paul B. Preciado, Manifiesto contrasexual, Barcelona, Anagrama, 2011. Voltar ao texto

33 Voir notamment Jean Chrysostome, La Virginité (De virginitate) [éd. et introduction critique Herbert Musurillo, intr., trad. et notes Bernard Grillet], Paris, Sources chrétiennes, 1966. Voltar ao texto

34 Michel Foucault, Histoire de la sexualité IV : Les aveux de la chair [éd. Frédéric Gros], coll. Bibliothèque des Histoires, Gallimard, 2018. Voltar ao texto

35 « Angustia: “Madre”, exclama de vez en cuando. “Madre, madre… Dios mío… Madre. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 36. Voltar ao texto

36 « Una fuerte feminización en la Iglesia en la figura de la Virgen. » Ruth Bertomeu Muñoz, « Entre poder, herejía y salvación: La virgen a finales del siglo XVII a través de la censura de la Mística Ciudad de Dios de María de Ágreda », Feminismo/s, n° 20, 2012, pp. 297-313, p. 302. Voltar ao texto

37 « La noción de cultura que se ha transmutado en lo “simbólico” en el psicoanálisis lacaniano es muy diferente de la noción de cultura todavía vigente en los estudios culturales. » J. Butler, Deshacer el género, op. cit., p. 49. Voltar ao texto

38 « El primado moderno de la libertad sí bastó para hacer de su maternidad un deber moral, personal y social. » María Binetti, « La maternidad patriarcal: sobre la genealogía de la suprema alienación », La Aljaba Segunda época, vol. 17, 2013, pp. 113-128, p. 120, http://www.biblioteca.unlpam.edu.ar/pubpdf/aljaba/v17a07binetti.pdf Voltar ao texto

39 « —¿Cómo sabes que es fachista? —Hombre, no sé… Está llamando a Dios y a su madre.
—¿Y a quién quieres que llame? ¿A la Pasionaria?
—Es lo malo de estas guerras —va diciendo Olmos, a su espalda.
—Que oyes al enemigo llamar a su madre en el mismo idioma que tú, y como que así, ¿no?… Se te enfrían las ganas. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., pp. 36-37. Voltar ao texto

40 Ibid., p. 130. Voltar ao texto

41 « Un acto único, sino una repetición y un ritual que consigue su efecto a través de su naturalización. » J. Butler, El género en disputa, El feminismo y la subversión de la identidad, Editor digital Titivillus, 1990, p. 10. Voltar ao texto

42 « Estaría feo, mi alférez. Que nos metieran el chocho en los fideos. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 40. Voltar ao texto

43 « —Me voy a cagar —dice muy recio y muy despacio —en vuestra puta madre. » Ibid., pp. 48-49. Voltar ao texto

44 « —malos como la madre que los parió. » Ibid., p. 57. Voltar ao texto

45 « La mujer es más amarga que la muerte, porque ella es un lazo; su corazón es una red y sus brazos son cadenas. Quien agrada a Dios escapa de ella, más el pecado en ella queda preso. » Eclésiastes 7: 26, biblegateway.com. Traduction d’A. Cobo et L. Souquet à partir de l’espagnol. Voltar ao texto

46 « ¡Me voy a cagar en vuestra puta madre! » (A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., pp. 74, 200) Voltar ao texto

47 « Los liberales de la reina puta y su madre » (A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 149) Voltar ao texto

48 « Conoces a ese hijo de puta » (A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 129) Voltar ao texto

49 « Llamándoles rojos hijos de puta » (A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 102) Voltar ao texto

50 « La invocación performativa de un “antes” no histórico [...] que legitima el contrato social. » J. Butler, El género en disputa: El feminismo y la subversión de la identidad, op. cit., p. 27. Voltar ao texto

51 « Pato considera que en ese mismo instante, en algún lugar lejano, tal vez haya una madre, una hermana, una novia que despiertan pensando en él sin saber que está muerto. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit. p. 43. Voltar ao texto

52 « El machismo, como construcción cultural, es un modo particular de concebir el rol masculino, modo que surge de la rigidez de la mayor parte de las sociedades del mundo contemporáneo, para establecer y agudizar las diferencias de género entre sus miembros. Es así como se generan expectativas de comportamiento en torno del varón que incluyen valores y actitudes, conformando de este modo una concepción ideológica asentada en la superioridad del macho en relación con la hembra, superioridad que se ha pretendido fundamentar desde distintas perspectivas ideológicas a lo largo de la historia del pensamiento. » Ángel Rodríguez Kauth, Leticia Marín de Magallanes & María E. Leone de Quintana, « El machismo en el imaginario social », Revista Latinoamericana de Psicología, vol. 25, no 21993, pp. 275-284, p. 276, https://www.redalyc.org/pdf/805/80525209.pdf. Voltar ao texto

53 « Éste no es sitio para una mujer, no es sitio para nadie, responde ella. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit., p. 45. Voltar ao texto

54 « La noción de que puede haber una “verdad” del sexo, como la denomina irónicamente Foucault, se crea justamente a través de las prácticas reguladoras que producen identidades coherentes a través de la matriz de reglas coherentes de género. » J. Butler, El género en disputa: El feminismo y la subversión de la identidad, op. cit., p. 40. Voltar ao texto

55 « Para andar sola por aquí, tienes más huevos que algunos de éstos. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit., p. 63. Voltar ao texto

56 « Ésta se utiliza para crear mensajes discriminatorios por razón de sexo, manteniendo la situación de inferioridad, subordinación y explotación del sexo dominado. » Esther López Ojeda, « Pautas de observación y análisis del sexismo. Los materiales educativos », Interlingüística, no 17, 2003, pp. 630‐639, Dialnet-AnalisisSociolinguistico-2317475.pdf. Voltar ao texto

57 A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit. Voltar ao texto

58 « Máquinas reproductoras de hijos, amas de casa. » Ibid., p. 126. Voltar ao texto

59 José Manuel Ruiz, « Quien me acusa de machista en las redes es porque no ha leído un libro mío en su vida », GQ, 8 octobre 2020, https://www.revistagq.com/noticias/articulo/perez-reverte-entrevista-linea-de-fuego. Voltar ao texto

60 A. Pérez-Reverte : « Sin duda. Quien perdió la guerra fue la mujer, que atrasó un siglo en su calendario. El mayor estrago fue el paso de una mujer liberada, que estudiaba, dueña de su vida y de su cuerpo, a una mujer sumisa, madre de familia y guiada por su confesor. Esos cinco o seis siete años de diferencia marcan un retroceso de un siglo. Para mí la mayor tragedia es justamente esa. Mis abuelas, que eran mujeres cultas y de buena posición, no habrían podido desarrollarse intelectualmente si hubieran nacido en el franquismo. » J. M. Ruiz, ibid. Voltar ao texto

61 « En cambio, a los clientes se les descargaba de responsabilidad. » Francisco Martínez Hoyos, « Marte y Venus: las prostitutas de la Guerra civil española », La Razón Histórica, nº 31, 2015, pp. 57-63, p. 60. Voltar ao texto

62 « Una bailaora de flamenco a la que se beneficiaba. El hijodeputa. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 162. Voltar ao texto

63 « Y la violación aparece como un hecho banal comparado al beber o a la gallardía. » Ibid., p. 542. Voltar ao texto

64 « La concienciación social fue una de las herramientas utilizadas por organizaciones como Mujeres Libres para acabar [...] con lo que consideraban una plaga contraria a la dignidad de la mujer. [...] a través de la reinserción social [...] De hecho la que por aquel entonces fue Ministra de Sanidad, la anarquista Federica Montseny, fracasó en su empeño de eliminar la prostitución porque entre otras cosas una prohibición así requería un cambio también en la educación y los valores sexuales. » Alba Carreres, « La historia olvidada de las prostitutas durante la Guerra Civil española », Vice, 16 octobre 2019, https://www.vice.com/es/article/bjwpbm/prostitutas-guerra-civil-espanola-historia. Voltar ao texto

65 « Son legionarios, mi comandante. Lo dice cual si no hubieran podido ser otra cosa. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 49. Voltar ao texto

66 « De pronto rompe a llorar. » Ibid., p. 69. Voltar ao texto

67 « Lívidos, asustados, temblorosos. » Ibid., p. 63. Voltar ao texto

68 « Se incurre en sexismo lingüístico cuando se emplean vocablos (sexismo léxico) o se construyen oraciones (sexismo sintáctico) que, debido a la forma de expresión escogida por el hablante y no a otra razón, resultan discriminatorias por razón de sexo. El hecho discriminatorio aparecerá más o menos patente según la sensibilidad que posea el oyente, sensibilidad en la que juegan dos factores: de un lado, su actitud vital frente a la discriminación por razones de sexo; y, de otro, su mayor o menor agudeza para detectar fenómenos de la lengua no superficiales, reveladores de la mentalidad del hablante. » Álvaro García Meseguer, ¿Es sexista la lengua española? Una investigación sobre el género gramatical, Barcelona, Paidós, 1994, p. 26, https://www.tremedica.org/wp-content/uploads/n3_GarciaMeseguer.pdf. Voltar ao texto

69 « Si los fachistas contraatacan ahora, nos pillan con la chorra fuera. » A. Pérez-Reverte. Línea de fuego, op. cit., p. 143. Voltar ao texto

70 « Catalana pirindola nunca riega sola. » Ibid., p. 148. Voltar ao texto

71 « De zumbar de colmena masculina agitada y tensa. » Ibid., p. 124. Voltar ao texto

72 « Ronca y áspera. » Ibid., p. 44. Voltar ao texto

73 « Con un toque de chulería viril. » Ibid., p. 99. Voltar ao texto

74 « Las mujeres luchan más solas. » Ibid., p. 506. Voltar ao texto

75 « El sexo era la asignatura pendiente que todos queríamos poner al día [...] era delgado, moreno y extraordinariamente guapo, Alesio y yo cazábamos juntos, o nos cazaban –también ellas, arrojado el sujetador por la ventana, protagonizaban deslumbrantes osadías– combatiendo tenaz en varios frentes a la vez y aprendí ciertas cosas interesantes [...] sobre cómo funciona la cabeza de las mujeres cuando te arrastran a su lado más deliciosamente oscuro. » A. Pérez-Reverte, « El amigo italiano », 12 décembre 2020, https://www.xlsemanal.com/firmas/20201212/el-amigo-italiano-perez-reverte.html. Voltar ao texto

76 « El desafío es encontrar un mejor vocabulario para las maneras de vivir el género y la sexualidad que no encaje tan fácilmente en la norma binaria. De esta manera, el futuro está en el pasado y en el presente, pero necesitamos producir la palabra en la que la complejidad existente pueda ser reconocida y en donde el miedo a la marginación, patologización y la violencia sea radicalmente eliminado. » Leticia Sabsay, « J. Butler para principiantes », 13 mai 2009, http://www.lrmcidii.org/judith-butler-para-principiantes/. Voltar ao texto

77 « Harpo siempre habla de la sección en femenino, incluyéndose él. » A. Pérez-Reverte, Línea de fuego, op. cit., p. 26. Voltar ao texto

78 « Que os den por culo. » Ibid., p. 33. Voltar ao texto

79 « Pero antes me vais a chupar la polla. » Ibid., p. 131. Voltar ao texto

80 « Lleva el gorrillo en el hombro con el madroño capado, porque dice que ir con la borlita colgando es de maricones y de fascistas. » Ibid., p. 71. Voltar ao texto

81 « Pero el miedo que me dais se me aprieta el ojete. » Ibid., p. 131. Voltar ao texto

82 « Esa bayoneta se la voy a meter yo por el culo. » Ibid., p. 179. Voltar ao texto

83 « —Si [...] Lo nuestro parece un matrimonio. Sólo faltaba que nos la sacudamos el uno al otro. —Si empezamos con mariconadas, me paso a los remigios. » Ibid., p. 148. Voltar ao texto

84 « —¿Qué hacen, requetés? —Mear mi capitán. » Ibid., p. 149. Voltar ao texto

85 « De cintura para abajo se diferencian poco. » Ibid., p. 289. Voltar ao texto

86 « Putos. » Ibid., p. 40. Voltar ao texto

87 « Cabrones. » Ibid., p. 41. Voltar ao texto

88 « Necesidad de suprimir a trescientos mil españoles para sanear la patria. » Ibid., p. 43. Voltar ao texto

89 « Gentuza a exterminar toda ella. » Ibid., p. 44. Voltar ao texto

90 « Vivian se pregunta si el corresponsal del New Worker no será homosexual. Le recuerda a otros ingleses [...] de semejante estilo. » Ibid., p. 167. Voltar ao texto

91 « Un antiguo cantaor de flamenco, conocido homosexual. » Ibid., p. 402. Voltar ao texto

92 « El moro lo encaja sumiso. » Ibid., p. 49. Voltar ao texto

Para citar este artigo

Referência Eletrônica

Andrés Cobo de Guzmán Medina, « La question de la norme et du genre dans Línea de fuego (2020) de Pérez-Reverte », Motifs [Online], 5 | 2022, Online desde 01 novembre 2022, Acessado em 10 novembre 2024. URL : https://lodelpreprod.univ-rennes2.fr/blank/index.php?id=673

Autor

Andrés Cobo de Guzmán Medina

Université Grenoble Alpes - Université Lyon 2 - Laboratoire Passages XX-XXI

Tradutores

Andrés Cobo de Guzmán Medina

Lionel Souquet

Direito autoral

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