« [C]e qui fonde la matière, c’est toujours quelque chose qui résiste à l’idéalisme conquérant. La matière n’est pas une pensée, un esprit momentanément figé, mais bel et bien l’obstacle qui arrête et étonne la pensée »1. Ces mots viennent à Gilbert Durand alors qu’il médite sur le morceau de neige qu’il tient dans la main. Occupation inhabituelle, certes, mais guère plus que celle à laquelle se sont livrés les participants du séminaire « Matérialité & écriture », organisé au sein du laboratoire Héritages et Constructions dans le Texte & l’Image de 2014 à 2016, qui consistait à méditer sur le livre et à laisser la pensée s’étonner de sa matérialité, trop souvent passée sous silence. Plus précisément, Gilbert Durand en vient à cette réflexion sur la matière alors qu’il approche du feu son morceau de neige. De la même manière, et plus encore peut-être, la matière du livre se dissout dès qu’on l’approche, et surtout dès qu’on l’ouvre, et il faut bien un mouvement de suspens volontaire pour la considérer. D’ailleurs l’étymologie du mot, dont Alain Rey note qu’elle remonte « à des termes indo-européens signifiant “gratter”, “inciser”, ce qui rappelle l’origine matérielle de la plupart des écritures », ne renvoie à cette matérialité que pour l’évider, et ainsi creuser son évidence2.
Même un auteur aussi attentif à la phénoménologie de la lecture que Georges Poulet ne peut s’empêcher de dire que « sur les rayons des bibliothèques, à la devanture des librairies, les livres attendent que quelqu’un vienne les délivrer de leur matérialité »3. Car la conscience critique, pour reprendre l’expression de Poulet, même lorsqu’elle se donne pour projet d’approcher le phénomène de la lecture au plus près de son affleurement, au plus près de la surface physique de la page donc, ne peut s’empêcher de se dissoudre en concepts et en représentations. Il n’est guère étonnant que vers la même époque où Poulet publiait son étude, un écrivain comme Michel Butor ait été quant à lui extrêmement attentif à cette dimension matérielle, et en soit resté un des meilleurs analystes, par exemple dans un essai sur « Le livre comme objet »4. Il n’est guère étonnant non plus que, toujours plus ou moins à l’époque où Poulet publiait ses lignes, la critique marxiste et le matérialisme culturel développé par Raymond Williams aient gardé en permanence les conditions matérielles au centre de leurs préoccupations.
Aujourd’hui, le souhait de Bruno Latour que la critique retrouve un second souffle en se tournant vers les choses a largement été entendu5. Mais ce « tournant matériel », on le voit, a une longue généalogie, ou plutôt des généalogies parfois contradictoires et antagoniques. On serait bien en mal de trouver un quelconque point commun entre Gilbert Durand et Raymond Williams, par exemple, et certainement pas une définition commune de la matière, mais ils sont néanmoins unis, à leur corps défendant, par une profonde défiance envers l’idéalisme. Et c’est justement l’absence d’une définition commune qui peut empêcher le tournant matérialiste de tomber totalement dans le travers dénoncé par Tim Ingold, qui est de faire de la matérialité un nouveau concept théorique6. Le bras théorique du « tournant matériel », c’est-à-dire le nouveau matérialisme7 dont se réclament explicitement certaines des études qui vont suivre, risque toujours, c’est le risque qu’encourent tous les matérialismes8, de se scléroser en idéalisme en essentialisant la « vibrante matière », mais il peut également toujours continuer d’échapper à ce risque en se confrontant sans relâche au mystère de son objet et de sa vibration, et en se confrontant à d’autres approches. En ce qui concerne la matérialité du livre, l’absence de définition commune et la pluralité des approches est d’autant plus primordiale que l’objet au centre des regards, qui non seulement étonne la pensée mais souvent la sidère ou s’y dérobe, ne peut être saisi que par éclairs, et dans cette multiplicité de points de vue. Dans cette pluralité, la tradition française a beaucoup à apporter. L’attention à la matérialité du livre en France a accompagné voire précédé les débuts du « tournant matériel », par exemple autour du travail de la regrettée Anne-Marie Christin, autour de Roger Chartier, autour des expositions de la Bibliothèque nationale de France sur l’Aventure des écritures, ou plus récemment autour d’Alain Milon9.
Pour explorer cette pluralité de points de vue, l’œuvre si diverse de Michel Butor nous propose à elle seule les pistes possibles : la matière a été pour lui un sujet de réflexion, et également un des sujets de son œuvre, non seulement dans le texte, mais de manière mémorable dans la structure de certains de ses livres, par exemple bien sûr avec Mobile, ou dans leur matière-même, dans ses nombreuses collaborations sur des livres objets, ou encore par son insistance à interroger les rapports entre texte et image, ou enfin par ses incursions hors du livre, par exemple ses poèmes inscrits sur céramique10. Les articles qui vont suivre vont donc s’intéresser à la manière dont les écrivains eux-mêmes ont abordé la question de la matière dans leur œuvre, mais également s’attacher à analyser la matérialité de l’œuvre elle-même, souvent en mettant au jour les enjeux de pouvoir liés à la relation avec le support, ou en s’attachant à montrer comment les auteurs jouent de la matière même de leurs livres, et ils vont également s’intéresser à l’image, qui souvent cristallise les questions liées aux rapports entre matérialité et écriture.
Ce qui marque si l’on considère la relation des écrivains eux-mêmes à la matérialité, c’est la prégnance de l’oxymore dans leur rapport à la matière, signe d’un rapport conflictuel avec le dualisme, que l’on envisage les liens avec le vitalisme présents dans le « matérialisme enchanté » de Diderot, pour reprendre le titre de l’étude d’Élisabeth de Fontenay11, ou la « divine Matière » chantée par Ponge12, en passant par la relation entre poésie lyrique et matérialisme exposée par Daniel Tiffany dans Toy Medium13, ou par le « matérialisme visionnaire » de William Blake, dont Matthew Green trace la généalogie complexe dans la pensée et la science de son temps14.
Car chaque œuvre naît dans un contexte précis, et il est également essentiel de montrer que l’inscription sur un support dépend des supports disponibles, d’une part, des enjeux de cette inscription d’autre part. La question du support inclut celle du support numérique, qui ne nous intéressera que marginalement15, même si nous aurons l’occasion de voir que sa disponibilité presque universelle peut ébranler les rapports de pouvoir. Plus centraux au propos des contributions qui vont suivre seront en revanche les enjeux de pouvoir liés à la matérialité radicalement différente de l’écrit et de l’oral, et la sacralité dont chacune de ces deux formes peut être investie.
La question de la matérialité du support reste parfois un impensé de la critique, qui se concentre sur le sens de textes dans une édition qui n’a plus rien à voir avec celle originalement voulue par l’auteur, édition qui pourrait pourtant corroborer, remettre en question ou invalider certaines de ces interprétations. Dans la masse de travaux sur l’Évangile apocryphe de Thomas, par exemple, nombreuses sont celles qui tentent de tirer du texte des hypothèses sur la ou les communautés qui l’ont utilisé, discuté et préservé, mais bien peu s’intéressent au manuscrit lui-même, qui est pourtant un précieux guide pour valider ou invalider certaines de ces hypothèses16.
La question du support et celle du passage de l’oral à l’écrit ont été posées avec force par Anne-Marie Christin dans L’image écrite ou la déraison graphique. Le sous-titre du livre est une réponse à Jack Goody17, mais le titre indique bien la place centrale que peut occuper l’image dans les questions qui nous préoccupent. Cette place centrale ne pouvait échapper à l’attention de notre laboratoire, qui a placé les rapports de l’image et du texte au cœur de son identité. Considérer le texte comme une image, ou considérer les liens entre texte et image, c’est toujours se poser la question du lien entre la matière du support, présente mais le plus souvent passée sous silence, atone, et celle de l’objet représenté, volubile mais pourtant absent.
Ces remarques succinctes esquissent quelques correspondances pour les différentes pistes qui sont explorées dans les contributions qui vont suivre, dont on aura compris que l’éclectisme est revendiqué. En conséquence, l’ordre dans lequel nous les présentons aura toujours une dimension arbitraire, et d’autres appariements, en particulier, auraient souvent été possibles voire souhaitables. Toutefois un ordre, quel que soit son degré d’arbitraire, aura toujours comme conséquence bénéfique de devoir placer à ses jointures des travaux qui sont rétifs à son injonction, et dont la richesse peut ainsi être mise en valeur. C’est bien la force paradoxale de la tradition française, et de son obsession pour la catégorisation, que d’avoir fait émerger tant de travaux novateurs sur ses marges ou entre ses disciplines, tentant des jonctions, remplissant des espaces, cherchant des abris.
La première partie, « L’écrivain et la matière », est consacrée à l’étude de la manière dont des auteurs particuliers ont pu envisager leur rapport avec la matière dans leur écriture. Ce rapport, nous l’avons dit, est toujours marqué par l’oxymore ou le paradoxe, que l’un se batte contre le corps de la langue, qu’un autre discerne la langue sibylline de la matière, qu’un autre encore cherche le corps de l’âme. On le voit, si contrairement à la plupart des remarques des autres parties celles de cette première partie pourraient s’appliquer aux œuvres quelles que soient les éditions considérées, la question du rapport de l’écriture à ce qui la sous-tend est au cœur des interrogations.
Alain Milon, dans « Artaud hors langage : la langue comme masse de chair », montre comment l’écrivain se débat avec la langue comme matière brute, non en lui donnant forme, en la faisant sienne, en lui imprimant son « style », mais plutôt en passant sous la langue, en l’ingurgitant et en la régurgitant, et éventuellement en imprimant un rythme et une modulation à ces régurgitations, à ce travail contre le corps et contre la langue, où corps et langue gardent leur étrangeté, et où le « je » n’existe que comme résonance à cette modulation.
Si Artaud se débat avec la matière de la langue, c’est le langage de la matière, ou de la nature parfois réduite à l’inquiétante matière, que Brad Tabas étudie dans « Reading in the Chtuhulucene: Lovecraft, New Materialism and the Materiality of Writing ». Pour Lovecraft lu à la lumière de la théorie de l’acteur-réseau, la matière est en effet un acteur, avec son langage, même si celui-ci nous demeure irrémédiablement étrange, et étranger, mais il reste essentiel de reconnaître sa légitimité dans une approche plus écologique du texte.
C’est à une généalogie de l’attention à ce langage de la nature que Kimberley Page-Jones se livre dans « Romanticism and the Materialist Imagination: Murmurs and Rustles in the Landscape ». Généalogie au sens historique d’abord, avec l’importance séminale du romantisme dans l’intérêt porté à cette voix de la nature, aujourd’hui si central à tout un courant du nouveau matérialisme, généalogie au sens textuel ensuite, avec l’étude des traces de cette attention dans les pérégrinations et dans les carnets des poètes, qui deviendront le matériau de leur œuvre.
Elena Ion, quant à elle, montre dans « La femme écrivain entre matière et esprit : le corps de l’âme et la littérature chez Hortensia Papadat-Bengescu » que ce dialogue avec la matière et avec le corps joue un rôle essentiel dans le développement d’un écriture spécifiquement féminine. À partir de l’exemple de l’écrivain roumain Hortensia Papadat-Bengescu, Elena Ion montre également l’attention qui doit être accordée aux conditions matérielles de l’accès à l’écriture et à la publication.
C’est également à ces conditions que Catherine Conan s’attache dans « The World, the Text, the Fabric : une lecture matérialiste du Sartor Resartus de Thomas Carlyle ». Elle prend à la lettre la métaphore de Carlyle dans son essai Sartor Resartus, c’est-à-dire « tailleur retaillé », pour montrer que cette métaphore permet à l’auteur de décrire la société, et également les rapports entre esprit et matière, et de faire montre, malgré son anti-matérialisme affiché, d’une attention aiguë à la matière, qui selon lui est tout esprit, ainsi qu’aux conditions matérielles de production de son temps.
Les conditions de production des textes sont au cœur des contributions rassemblées dans la deuxième partie, « Matérialité, pouvoir et écriture », autour d’une question centrale, celle des stratégies déployées par différents acteurs pour s’approprier des supports. Cette question a deux corollaires, celle des stratégies de sacralisation ou au contraire de naturalisation du discours ou de son support, et celle du rôle central de la différence de statut de l’oralité et de la scripturalité, si essentielle aux relations entre la culture européenne et les autres cultures.
Toutefois la première contribution, d’Andrea d’Urso, « Reproduction sociale, critique de l’idéologie et praxis révolutionnaire dans la sémiotique matérialiste de Ferruccio Rossi-Landi », s’attache plus généralement à présenter la théorie du langage élaborée par le théoricien marxiste italien, qui place le langage au cœur des rapports de pouvoir, entre la structure des rapports de production matérielle proprement dits et l’infrastructure idéologique destinée à masquer et maintenir ces rapports de domination.
Dans « Matérialité textuelle et statut théologique du texte sacré : le cas du Coran », Mohamed Saki montre, à partir de l’exemple du Coran et de la confrontation entre recherches historiques et version canonique de sa genèse, que les débats autour de la matérialité du texte ont des enjeux non seulement théologiques mais également politiques, car vouloir figer le statut du texte, fixer une Révélation orale sous une forme écrite unique, et imposer une version officielle de son histoire, c’est le plus souvent vouloir figer son interprétation.
Dans un autre contexte, Molly Chatalic revient dans « Du sacré au profane : l’écriture tibétaine entre matérialité et immatérialité » sur des questions comparables. Elle étudie le statut de la matière induit par le bouddhisme tibétain, et le rôle que joue en particulier la matérialité du support, incarnation du souffle divin et donc de la parole divine. Elle nous montre que l’évolution du statut de l’écriture dépend également d’enjeux politiques, si aigus au Tibet, et une nouvelle fois de la question du support, lui-même fonction des possibilités technologiques.
Les rapports de domination et l’appropriation du support de l’écriture sont également inextricablement liées dans les relations des Indiens d’Amérique du Nord avec l’écriture. Comme Fabrice Le Corguillé le montre dans « “I will now take the goose quill for my bow, and its point for my arrow” : appropriation de l’écriture alphabétique par les Indiens d’Amérique du Nord », les pratiques scripturaires sont attestées chez les Indiens avant l’arrivée des colons européens, mais ont être transformées par l’écriture alphabétiques et adaptées au combat pour la défense de leur identité.
Nathalie Narvaez nous montre dans « Le témoignage de Rigoberta Menchú : matérialités diverses d’un même récit ou l’objet-livre comme porte d’entrée au parcours interprétatif » que ces questions sont toujours d’actualité. La mise en écriture du témoignage oral de la militante guatémaltèque induit déjà en elle-même des rapports de pouvoir, et une analyse fine des couvertures des différentes éditions s’attache à mettre en évidence les stratégies différentes déployées face à des publics différents.
Avec cette dernière contribution, nous avons d’une certaine manière déjà basculé vers les enjeux de la troisième partie, « Matérialité du livre et de l’écriture », puisque c’est la matérialité d’un exemplaire spécifique qui influe sur notre lecture. Il s’agira maintenant de montrer en quoi les écrivains prennent en compte cette dimension, et jouent avec ses postulats pour établir ou subvertir leur contrat avec le lecteur, et leur réflexion sur le langage, jusqu’à mettre en tension la forme même du livre.
Dans le premier texte de cette partie, « Matérialité de l’écriture épistolaire en Angleterre au XVIIIe siècle », Alain Kerhervé s’attache à montrer l’importance des conditions matérielles pour la genèse même du manuscrit et pour sa circulation. La théorisation à l’œuvre dans les manuels épistolaires de l’époque insiste jusqu’aux infimes détails sur l’importance de ces conditions, mais en ignore bien souvent les complexités réelles, qui sont en revanche souvent mises en scène dans le contenu-même des missives, de manière parfois amusée.
Thierry Robin, quant à lui, s’attache à la structure du livre imprimé dans «Figures du livre et de l’auteur entre labyrinthe de papier et réseau numérique sans fin : une étude de House of Leaves de Mark Z. Danielewski ». Il montre que la forme même de la « maison de feuilles » qu’est le livre de Danielewski, et en particulier sa mise en page, implique un contrat lectoriel complexe, qui engage la dimension ergodique de la lecture, c’est-à-dire l’effort qu’elle exige du lecteur, qui est invité à l’explorer comme un monde.
Les deux livres que Côme Martin étudie dans « Creuser ou saillir le livre : deux approches de l’imprimé » ont franchi une étape de plus en travaillant le principe même du livre et de son rapport à la profondeur. Dans Tree of Codes, Jonathan Safran Foer évide les pages d’un recueil de nouvelles de Bruno Schulz et fait du texte lacunaire un cénotaphe à son auteur, assassiné par la Gestapo, et à toutes les victimes du génocide nazi. Dans S., au contraire, de Doug Dorst, le texte prolifère et sort de sa surface pour envahir de ses artefacts le monde du lecteur.
Les poètes étudiés par Lucie Lavergne dans « Quand la matière devient parole : quelques formes remarquables de la poésie visuelle en Espagne (1960-2000) » questionnent de manière aussi radicale la forme du poème, et la forme de livre, en mettant en scène leur matérialité par méfiance envers les mots, usés et abusés tout d’abord par la dictature, puis par la prolifération des discours dans l’ère contemporaine. L’image, image de la lettre ou image du monde, joue un rôle primordial dans cette mise en question.
La dernière partie, « Matière, écriture et image », présente des contributions qui s’attachent plus particulièrement à ces rapports entre texte et image sous l’angle de la matérialité. Ces rapports sont essentiels à la réflexion sur la matérialité de l’écriture, et nous pouvons en revenir à Michel Butor, dans ses nombreuses collaborations avec des artistes, ou dans sa réflexion théorique, dans Les mots dans la peinture notamment. C’est dans ces rapports que peuvent parfois venir au jour la dimension iconique, et donc matérielle, de la lettre, et le langage de la matière, en particulier à partir d’une réflexion sur le support.
Catherine Mao, dans « Matérialité et enjeux de (non)reconnaissance dans la bande dessinée », revient sur le rôle qu’a joué la négation de la matérialité de l’image dans la théorisation et la recherche de légitimation de la bande dessinée, qui a présenté le neuvième art comme un art de l’ellipse. Catherine Mao s’attache à montrer comment au contraire un auteur comme David B. dans L’ascension du haut mal place cette matérialité au centre de sa démarche, en jouant constamment contre la tentation de l’ellipse.
Camille Manfredi, dans « Land Texts, textes in situ : les mots-mntgns d’Alec Finlay », explore les enjeux en terme de politique et de représentation de la mise en site de poèmes dans le paysage écossais, qui en faisant s’échapper les mots du livre transforme la vision que nous avons d’eux autant que notre vision du paysage. Elle s’attache plus particulièrement au travail d’Alec Finlay, qui confronte ses poèmes-objets aux lieux taciturnes qu’ils désignent, et incite à une reconnaissance, au sens physique d’arpentage comme au sens politique.
Sonia de Puineuf, dans « Lire les peintures de Jacques Monory », montre que, comme l’annonce le nom programmatique du mouvement auquel il est associé, la Figuration narrative, le peintre utilise l’écriture et les lettres dans ses tableaux, sous la forme de signatures, de fragments ou de cryptogrammes pour, par-delà les apories modernistes, réinvestir du sens ou tout au moins une promesse de sens dans la peinture, et pour replacer son travail dans une généalogie qui remonte à la Renaissance.
Enfin, dans « De la calligraphie à la typographie : le livre idéal selon William Morris », Isabelle Gadoin montre que la relation de Morris au livre comme objet esthétique n’est pas une évolution tardive mais parcourt toute son œuvre, de son travail de peintre à son travail sur le motif textile et sur le motif imprimé. Isabelle Gadoin étudie comment Morris, guidé par le rêve d’un art total, entremêle texte et image et cherche à retrouver dans le livre imprimé le rapport sensuel à la matérialité qui est celui de son idéal médiéval.