L’arrivée d’outils basés sur l’intelligence artificielle capables de générer du texte automatiquement, parmi lesquels ChatGPT est sans aucun doute le plus connu, suscite à la fois émerveillement et inquiétudes. Si l’on en croit un certain discours médiatique, le monde des services linguistiques (traduction, interprétation, communication technique) serait fortement impacté par l’arrivée de ces nouveaux outils. Certains prédisent même la disparition des professionnel·les travaillant dans ces différents domaines. Ceci n’est pas sans rappeler le discours qui a suivi l’arrivée de la traduction automatique neuronale au milieu des années 2010. Or, cette technologie n’a pas signé la fin des métiers de la traduction, de la communication technique et de l’interprétation, comme en témoignent entre autres les études de marché telles que les enquêtes annuelles ELIS (European Language Industry Survey), même si l’utilisation de cette nouvelle technologie n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes (post-édition imposée, baisses de tarifs, raccourcissement des délais, perte de sens du métier, mauvaise compréhension de ce que sont ces nouveaux outils).
Les débats autour des grands modèles de langage tels que ChatGPT semblent pour l’heure assez similaires, avec l’expression d’inquiétudes pour l’avenir des professions langagières, même si Holste (2023), par exemple, considère pour sa part que l’on a plus que jamais besoin des langagiers. La spécificité de ces outils est qu’il ne s’agit pas d’outils spécialisés dans le transfert linguistique d’une langue à une autre mais capables d’effectuer toute une série de tâches d’ordre linguistique : rédaction, réécriture, synthèse, révision, extraction terminologique, etc.
Après l’intégration d’enseignements visant à développer un esprit critique chez les futurs spécialistes vis-à-vis de la traduction automatique qui aille au-delà des considérations purement techniques, ou « MT literacy » pour reprendre le terme de Bowker & Buitrago Ciro (2019), les formations aux métiers de la traduction, de l’interprétation et de la communication technique s’interrogent naturellement aujourd’hui sur le positionnement à adopter face à cette nouvelle avancée technologique que représentent les nouveaux outils d’intelligence artificielle. Si la plupart ont déjà commencé à envisager l’intégration de ces nouveaux outils dans les enseignements, le sentiment qui domine reste l’incertitude sur la façon précise de le faire et sur les compétences spécifiques à développer. C’est la raison pour laquelle les responsables de ce numéro proposent de mener une réflexion sur ces outils dans la perspective de la formation aux professions langagières.
Pour le prochain numéro de la revue À tradire, nous appelons donc les auteurs et autrices à répondre à la question : comment continuer à former aux professions langagières (traduction, interprétation, communication technique, terminologie, etc.) à l’heure de l’intelligence artificielle ?
Chaque contribution pourra répondre à une ou plusieurs questions plus précises telles que (liste non exhaustive, ni limitative) :
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Comment combiner les nouveaux outils de type ChatGPT avec les outils de traduction automatique neuronale existants ?
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Quelles compétences sont nécessaires pour travailler avec l’IA ?
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Comment aborder les compétences qui sont déléguées à l’IA ? Faut-il renoncer à former sur ces compétences ou poursuivre autrement ?
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Comment préparer les futurs professionnels aux évolutions à venir du marché ?
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Quels défis l’IA présente-t-elle aux équipes de formation et aux étudiants eux-mêmes ? Qu’en est-il de l’évaluation ?
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Quelle utilisation font les étudiant(e)s de ces nouveaux outils ?
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L’accès à l’IA peut-il être considéré comme immanquablement pérenne, soutenable sur le plan environnemental, et à quelles conditions ?
Des exemples concrets de l’utilisation de l’IA dans les formations aux professions langagières seront particulièrement bienvenus.
Des témoignages de professionnel(le)s des secteurs de la traduction, de l’interprétation, ou de la communication technique sont également encouragés.
Compte tenu de l’apparition relativement récente des technologies d’IA générative, des propositions de contributions présentant une continuité ou transition entre les moteurs de traduction automatique neuronale et les grands modèles de langage pourront être étudiées.
Calendrier et modalités de soumission
Le numéro est coordonné par Susanna Fiorini et Rudy Loock. Les articles, originaux, devront leur être envoyés avant le 15 juin 2024 à l’adresse articles[à]atradire.fr. Les auteurs correspondants devront copier-coller dans leur message la phrase suivante :
Par le présent message, j’atteste que les co-auteurs éventuels de l’article soumis et moi-même, en tant qu’auteur correspondant, avons bien pris connaissance de la charte éthique et déontologique de la revue et y adhérons sans réserve.
Conformément aux règles de la revue, les articles seront préalablement examinés par les coordinatrices du numéro, puis soumis à une évaluation en double aveugle. Les réponses aux propositions de contributions seront données au plus tard fin octobre 2024.
Les textes devront respecter les règles de présentation et d’anonymisation habituellement appliquées par la revue À tradire (consignes aux auteurs). Ils devront être accompagnés d’un résumé de 1 000 caractères maximum et de mots-clés qui, comme le titre de l’article, devront également être traduits en anglais et éventuellement dans une ou plusieurs autres langues au choix (voir politique linguistique dans les consignes aux auteurs).
La revue À tradire est d’abord et essentiellement francophone. Les contributions en français seront donc privilégiées. Le comité éditorial pourra néanmoins étudier également des propositions de contributions dans d’autres langues, à condition que le texte de la contribution soit accompagné par un résumé long en français représentant environ 30 % du volume initial de l’article. La revue peut aussi publier des articles et leur traduction intégrale.